Massacre présumé au Mali: l'ONU réclame un accès urgent à la localité de Moura

L'émissaire de l'ONU pour le Mali, El-Ghassim Wane, a réclamé jeudi aux autorités maliennes un accès "impératif" à la localité de Moura (centre) où l'armée malienne, assistée de présumés paramilitaires russes du groupe Wagner, est accusée d'un massacre fin mars de plusieurs centaines de civils.
La mission Minusma de l'ONU "a cherché à accéder à la zone et a pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril", a-t-il dit au Conseil de sécurité. Mais "l'autorisation de déploiement d'une mission intégrée n'a, jusqu'à présent, pas été autorisée", a déploré l'émissaire.
"Si l'annonce, hier soir (mercredi), par le procureur du tribunal militaire de Mopti de l'ouverture d'une enquête (...) est une initiative bienvenue, il est impératif que les autorités maliennes apportent la coopération nécessaire à ce que la Minusma ait accès au site des violations alléguées, conformément à son mandat", a souligné M. Wane.
La Minusma a réitéré jeudi soir dans un communiqué "sa profonde préoccupation face aux allégations de violations graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire" à Moura, et a "relevé" l'ouverture d'une enquête par les autorités maliennes.
La mission de l'ONU mène elle-même une enquête sur les faits survenus du 27 au 31 mars à Moura, localité "extrêmement difficile d'accès" qui compte plusieurs milliers d'habitants.
Depuis le début de l'année, la Minusma a ouvert "17 enquêtes sur des allégations d'attaques aveugles contre des civils, d'arrestations extrajudiciaires, de mauvais traitements, de disparitions forcées et d'exécutions extrajudiciaires dans le centre du Mali", avait précisé plus tôt M. Wane.
L'armée malienne a dit avoir mené une opération de "grande envergure" à Moura. En dehors de 203 "terroristes" tués, 51 autres ont été capturés, a-t-elle affirmé.
Dans un rapport, l'ONG Human Rights Watch a fait état de l'exécution sommaire de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers.
Bamako dément la présence au Mali de mercenaires de Wagner, ne reconnaissant que celle d'"instructeurs" et de "formateurs" russes en vertu d'un accord de coopération bilatérale avec la Russie datant des années 60.
Lors de la réunion, l'ambassadeur de France, Nicolas de Rivière, a appelé "à ce que des enquêtes nationales et internationales soient rapidement ouvertes" afin "de poursuivre en justice les auteurs de ces faits, dont certains pourraient constituer des crimes de guerre".
L'"augmentation des signalements de violations des droits de l'homme est exactement la raison pour laquelle les États-Unis continuent de mettre en garde les pays contre un partenariat avec le groupe Wagner lié au Kremlin", a dit de son côté l'ambassadeur américain Richard Mills.
- "Latitude d'action" -
"Le Royaume-Uni est horrifié" par les informations relatives à Moura, a renchéri l'ambassadeur britannique adjoint, James Kariuki, dont le pays a des Casques bleus au Mali, réclamant une enquête "transparente et impartiale".
L'ambassadrice russe adjointe, Anna Evstigneeva, a rejeté en bloc les accusations portées contre Wagner, loué le comportement de l'armée malienne et précisé que quelque "200 militaires" maliens et "9 policiers" sont actuellement formés en Russie.
Le Mali a assuré pour sa part que les opérations militaires de l'armée malienne présentaient des résultats positifs et allaient se poursuivre dans la perspective de l'organisation d'élections à terme dans le pays.
El-Ghassim Wane a aussi établi un lien entre la recrudescence des activités jihadistes au Mali et la fin des opérations militaires française Barkhane et européenne Takuba.
"Faisant face à moins de pression, les groupes terroristes bénéficient d'une latitude d'action plus grande, posant un danger accru tant aux civils qu'à nos opérations", a-t-il estimé.
La Russie a dénoncé à cet égard un "vide sécuritaire" dans le nord du pays, créé, selon Moscou, par le retrait de la France du Mali. Il s'est fait "sans consultations avec la partie malienne" et est à ce titre "extrêmement irresponsable", a jugé Anna Evstigneeva.
Le mandat de la mission Minusma, qui comprend quelque 14.000 militaires et policiers, arrive à échéance en juin. Plusieurs pays contributeurs de troupes ont entrepris de réexaminer leur participation au vu des derniers développements au Mali. La fin des opérations française et européenne va priver les Casques bleus d'un soutien aérien et médical précieux et l'ONU est en train d'étudier le moyen de le minimiser.
"La Minusma reste nécessaire", a estimé l'ambassadeur français. "La France compte sur les membres de ce Conseil pour renouveler le mandat de la mission, d'ici trois mois", a ajouté Nicolas de Rivière.

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