Ukraine: Paris propose d'aider à débloquer le port d'Odessa, combats dans l'est et le sud
La France est prête à aider pour lever le blocus du port ukrainien d'Odessa, afin de faire sortir d'Ukraine les céréales dont le blocage provoque une crise alimentaire mondiale, alors que des combats meurtriers sévissent dans le sud et l'est de l'Ukraine.
"Nous sommes à disposition des parties pour, au fond, que se mette en place une opération qui permettrait d'accéder au port d'Odessa en toute sécurité, c'est-à-dire de pouvoir faire passer des bateaux en dépit du fait que la mer est minée", a déclaré un conseiller du président Emmanuel Macron.
Ces déclarations interviennent alors que M. Macron recevait vendredi le président sénégalais Macky Sall, également président de l'Union africaine. M. Sall avait appelé jeudi au déminage du port d'Odessa, et indiqué avoir reçu des assurances du président Vladimir Poutine que les Russes n'en profiteraient pas pour attaquer, comme le redoutent les Ukrainiens.
"La navigation est bloquée dans la mer Noire et les navires ennemis tiennent presque la totalité du territoire ukrainien sous la menace de frappes de missiles", a expliqué le commandement opérationnel ukrainien de la région Sud, dans la nuit de vendredi à samedi, notant que, "ne parvenant pas à progresser sur terre, l'ennemi teste la solidité de nos positions (sur les lignes de front) avec des bombardements depuis les airs avec des hélicoptères".
L'invasion russe lancée le 24 février a paralysé les exportations de céréales de l'Ukraine --acteur majeur de ce secteur-- et provoqué une flambée des prix des céréales et des engrais, menaçant de crise alimentaire de nombreux pays, surtout africains et moyen-orientaux.
Le président français doit se rendre en Roumanie et en Moldavie mardi et mercredi, en attendant une visite en Ukraine, dont la date n'a pas encore été fixée, selon l'Elysée.
De son côté, le président américain Joe Biden a affirmé vendredi que son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky "ne voulait pas entendre" les mises en garde américaines avant l'invasion de son pays par la Russie.
"Beaucoup de gens pensaient que j'exagérais" en évoquant une attaque russe contre l'Ukraine avant qu'elle ne débute, a déclaré M. Biden.
"Mais je savais que nous avions des informations en ce sens. (Le président russe Vladimir Poutine) allait traverser la frontière. Il n'y avait aucun doute et Zelensky ne voulait pas l'entendre", a-t-il ajouté devant des journalistes.
- Bombardements ukrainiens sur Kherson -
Sur le terrain, les forces ukrainiennes ont indiqué vendredi avoir bombardé des positions russes dans la région de Kherson (sud) --dont la quasi-totalité est occupée depuis les premiers jours de l'invasion--. Kiev redoute une annexion rapide par Moscou.
Depuis plusieurs jours, les Ukrainiens font état de combats dans cette région.
Le commandement opérationnel ukrainien a raconté qu'un groupe de reconnaissance infiltré dans ce territoire occupé avait vaincu des troupes russes, "s'emparant de leurs armements et moyens de communication".
Les autorités locales mises en place par Moscou réclament haut et fort une annexion. Un négociateur russe a évoqué le 1er juin l'organisation prochaine --peut-être en juillet-- d'un référendum dans les territoires occupés sur cette question.
Un projet qualifié d'"illégal" par Kiev et qui rappelle le référendum organisé par la Russie en Crimée en 2014, avant d'annexer la péninsule ukrainienne dans la foulée.
Les combats sont également intenses dans la région de Mykolaïv, voisine d'Odessa.
"Les Russes nous visent à l'artillerie lourde, que ce soit en ville ou dans les villages", a déclaré à l'AFP Vitali Kim, gouverneur de cette région, tout en se félicitant que les Russes aient reculé ces derniers jours. "Ils ne reviendront pas, nous ne les laisserons pas revenir", a-t-il assuré.
- Frappes constantes sur Severodonetsk -
Dans le Donbass, la bataille pour la ville-clé de Severodonetsk et sa jumelle Lyssytchansk continue, de plus en plus meurtrière.
Dans son habituel message quotidien du soir, M. Zelensky a fait état "de très violents combats" dans le Donbass.
"La Russie veut dévaster chaque ville du Donbass, chacune, sans exagération. Comme Volnovakha, comme Marioupol", a-t-il relevé.
"Les militaires ukrainiens font tout pour arrêter les attaques des occupants, autant que possible avec autant d'armes lourdes et de l'artillerie moderne" que l'Ukraine possède, "tout ce qu'on demandait et qu'on continue de demander à nos partenaires", a-t-il lancé.
Mais les combats se poursuivent dans Severodonetsk et les bombardements sont constants, a indiqué vendredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région.
Le chef d'état-major des armées ukrainiennes a précisé samedi matin que les Russes avançaient en direction de Novotoshkivske-Orikhove et avaient un "succès partiel" aux abords du village d'Orikhovo.
"L'ennemi continue de mener des assauts dans la ville de Severodonetsk", a-t-il poursuivi, précisant que quatorze attaques avaient été repoussées dans les régions de Donetsk et Lougansk en 24h.
Prendre Severodonetsk ouvrirait à Moscou la route d'une autre grande ville, Kramatorsk, étape importante pour conquérir l'intégralité du bassin du Donbass, région essentiellement russophone de l'est de l'Ukraine, en partie tenue par des séparatistes prorusses depuis 2014.
Selon l'état-major, l'armée russe se prépare à attaquer Slavyansk et Siversk, regroupant ses troupes et acheminant munitions et carburant dans cette perspective. Et le risque de frappes de l'Ukraine depuis le Belarus "persiste", a-t-il relevé.
La bataille est particulièrement meurtrière, avec "jusqu'à 100 soldats" ukrainiens tués et 500 blessés chaque jour, indiquait jeudi le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov. Les Russes ne disent rien sur leurs pertes.
Le chef de l'administration présidentielle ukrainienne Andriï Yermak a annoncé samedi matin "la mort pendant la guerre" d'un journaliste militaire, l'officier Oleksiy Chubashev. Il n'a pas donné de précision sur les circonstances du décès de celui qui a été responsable d'un programme de recrutement et de la télévision militaire ukrainienne.
- Armes lourdes au compte-gouttes -
L'Ukraine pourrait toutefois reprendre Severodonetsk "en deux, trois jours", dès qu'elle disposera d'artillerie occidentale "de longue portée", avait assuré jeudi M. Gaïdaï.
Les Ukrainiens ne cessent de réclamer à leurs alliés occidentaux de nouvelles armes plus puissantes.
La livraison de systèmes de lance-roquettes multiples, notamment des Himars d'une portée d'environ 80 km, soit légèrement supérieure aux systèmes russes, a été annoncée par Washington et Londres.
Dans ce contexte, le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a fait une visite non annoncée de deux jours à Kiev. Le président Zelensky l'a remercié pour le rôle moteur de Londres dans le soutien occidental à l'Ukraine.
"Les Britanniques font preuve d'un vrai leadership dans les questions de défense", a insisté le président ukrainien dans son message du soir.
- Condamnés à mort -
La visite de M. Wallace intervient au lendemain de l'annonce par les autorités de la "république" séparatiste prorusse de Donetsk de la condamnation à mort pour mercenariat de deux Britanniques et d'un Marocain ayant combattu coté ukrainien --Aiden Aslin, Shaun Pinner et Brahim Saadoun.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson est "consterné" par cette condamnation, a indiqué vendredi Downing Street, disant travailler avec Kiev à leur libération.
"Clairement, ils servaient dans les forces armées ukrainiennes et sont des prisonniers de guerre" et non des mercenaires, a déclaré le porte-parole de M. Johnson.
Au 107e jour de la guerre, les chefs d’Etat de neuf pays d'Europe centrale et orientale (Roumanie, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, République tchèque, Slovaquie) se sont par ailleurs retrouvés vendredi à Bucarest, pour demander un renforcement du flanc oriental de l'Otan, à moins de trois semaines d'un sommet de l'Alliance à Madrid.
"Face aux risques accrus pour la sécurité en Roumanie et en mer Noire, consolider l'Otan sur son flanc Est (...) devient d'autant plus urgent et crucial", a déclaré le président roumain Klaus Iohannis en ouvrant la réunion, co-présidée par son homologue polonais Andrzej Duda.
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