Drame de Melilla : les responsabilités pointées du doigt

L'Espagne a dénoncé avec force samedi "une attaque" contre son intégrité territoriale et accusé des "mafias", au lendemain de la mort d'au moins 18 migrants à Melilla, lorsque près de 2 000 personnes ont tenté de pénétrer par la force dans cette enclave espagnole située en territoire marocain.
Le Premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sánchez, a décrit ce drame comme un "assaut (...) violent et organisé de la part de mafias qui se livrent au trafic d'êtres humains, contre une ville qui est un territoire espagnol".
"Par conséquent, il s'est agi d'une attaque contre l'intégrité territoriale de notre pays", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Madrid.
Les 18 migrants qui ont péri ont trouvé la mort "dans des bousculades et en chutant de la clôture de fer" qui sépare l'enclave espagnole du territoire marocain, lors d'"un assaut marqué par l'usage de méthodes très violentes de la part des migrants", a souligné une source des autorités de la province de Nador.
Quelque 140 membres des forces de l'ordre ont également été blessés, dont cinq grièvement.
Ce bilan de 18 morts, qui n'est que provisoire, est - de très loin - le plus meurtrier jamais enregistré lors des nombreuses tentatives de migrants subsahariens de pénétrer à Melilla et dans l'autre espagnole de Ceuta, qui constituent les seules frontières de l'UE avec le continent africain.
Pour sa part, la principale organisation marocaine de défense des droits humains a demandé samedi "l'ouverture d'une enquête rapide et transparente" sur cette "tragédie" sans précédent au Maroc, selon les déclarations à l'AFP de Mohamed Amine Abidar, le président de la section de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Nador (nord du Maroc).

Réponse "disproportionnée"

En Espagne, une députée européenne du parti de gauche radicale Podemos, allié des socialistes au sein du gouvernement minoritaire de M. Sánchez, lui a fait écho samedi. "Une enquête est nécessaire pour éclaircir les faits et les responsabilités", a déclaré dans un tweet Idoia Villanueava, responsable de Podemos pour les affaires internationales.
De nombreux témoignages mettaient en avant la violence de part et d'autre lors des évènements de vendredi.
"C'est la tentative d'entrer à Melilla la plus violente que j'ai jamais vu", a confié à l'AFP Rachid Nerjjari, serveur dans un café situé en face de la clôture qui marque la frontière dans le quartier marocain de Barrio Chino. Il a assuré avoir vu "des migrants armés de bâtons et de barres de fer, une première dans la région".
L'action des forces de sécurité marocaines pour empêcher ces quelque 2 000 migrants de pénétrer à Melilla suscitait également de nombreuses interrogations.
Tout en reconnaissant que l'assaut des migrants avait été "violent", Eduardo de Castro, le président (maire) de Melilla et plus haute autorité politique de cette ville autonome, a ainsi dénoncé une "réponse disproportionnée" du Maroc à la tentative de passage en force des clandestins.
"Le Maroc se permet certaines choses qui ne seraient pas acceptables" en Espagne, a-t-il dit.
Sur les lieux, le calme est revenu samedi à Nador, cité limitrophe de l'enclave espagnole, ainsi qu'aux alentours de la haute clôture de fer qui sépare le Maroc de Melilla, selon des journalistes de l'AFP.

Sanchez félicite le Maroc

Il n'y a ainsi aucune trace de migrants en ville. Selon M. Abidar, de l'AMDH, ils se seraient "éloignés de peur d'être déplacés par les autorités marocaines", généralement vers le sud du pays.
Un témoin a dit avoir vu plusieurs bus transportant des migrants hors de Nador.
La situation était aussi calme du côté espagnol de la clôture de Melilla, selon des images de la chaîne publique TVE, qui montraient des ouvriers en train de réparer les dégâts subis par la barrière.
Au total, 130 migrants sont parvenus à entrer vendredi à Melilla. Un seul d'entre eux restait hospitalisé, selon des sources de la préfecture espagnole.
Selon l'ONG espagnole Caminando Fronteras, spécialiste des migrations entre l'Afrique et l'Espagne, le bilan s'élèverait en fait à 27 morts.
Pour M. Abidar, de l'AMDH, "la cause principale de cette catastrophe est la politique migratoire menée par l'Union européenne en coopération avec le Maroc".
De son côté, le Premier ministre espagnol a montré du doigt sans hésiter "les mafias qui se livrent au trafic d'êtres humains".
Il s'est également de nouveau félicité de l'attitude de la gendarmerie marocaine, "qui a travaillé en coordination avec les forces et corps de sécurité" espagnols "pour repousser cet assaut si violent".
Cette tentative d'entrée massive dans l'une des deux enclaves espagnoles est la première depuis la normalisation en mars des relations entre Madrid et Rabat, après une brouille diplomatique de près d'un an.

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