Il faut marcher mercredi

Mieux vaut tard que jamais

L'opposition va marcher pacifiquement le 13 février, pour tenter d'obliger le gouvernement à faire des élections crédibles et transparentes (Waymark est un opérateur spécialisé dans la fraude électorale), mais également rappeler à la communauté internationale que nous sommes au XXIe siècle, et que le temps où élections ‒ quelles qu'en soient les conditions – étaient synonymes de démocratie, est révolu. Ce n'est pas parce qu'il existe encore quelques républiques bananières, où la volonté populaire est bafouée, qu'on peut généraliser ces pratiques d'un autre âge, à tout pays, et notamment en Guinée. Si changement il doit y avoir, c'est déjà sur ce point, car qui ne dit mot consent.

Il est vrai que l'opposition n'a pas toujours été à la hauteur. Si l'on ne revient que sur un passé récent, elle a eu la possibilité de bloquer le processus électoral, en boycottant la prestation de serment de la nouvelle CENI. Elle ne l'a pas fait. Il faudra bien que certains opposants, qui s'y sont refusés, s'expliquent publiquement sur cette erreur politique grossière.

L'UFDG par exemple s'était opposée à la prestation de serment de la CENI, mais elle a dû s'incliner devant le zèle suspect de certains opposants du Collectif / ADP, pour maintenir une unité (de façade ?).

Néanmoins l'opposition est diverse, il ne faut jamais l'oublier

L'UFDG a décidé – c'est le choix de son président ‒ de rester unie avec ses partenaires, au sein de l'ADP et du Collectif, au risque de ne pas être comprise par quelques commentateurs, voire même quelques-uns de ses propres militants (le sont-ils vraiment ?). C'est évidemment en apparence une faute politique impardonnable à court terme, car cela suppose l'échec d'un recours (ultime ?) à des moyens pacifiques de règlement des différends.

A moyen terme (2 ans maximum), elle montre néanmoins l'image d'une Guinée qui peut fonctionner avec toutes les composantes du pays, de manière paisible et consensuelle, ce qui offre une alternative crédible à ce régime, incapable de résoudre les problèmes de la population.

En matière de transition pacifique, la Guinée a été servie. Aucun PRG n'a été élu de façon crédible et transparente depuis 1958. Il n'est pas exclu que cette mauvaise habitude persiste. Si l'on excepte la sincérité des scrutins, ce qui n'est pas possible avec Waymark, ce régime ne peut s'arrêter que de deux manières : le coup d'État militaire, condamné comme mode d’accession au pouvoir en Afrique depuis le Sommet d'Alger de juillet 1999 (ce qui interdit la pérennité d'un tel régime), et le recours à la rue.

Certains détracteurs ont beau jeu de dénoncer l'inaction de l'opposition, oubliant que celle-ci est diverse, et que le consensus suppose parfois d'avaler des couleuvres.

On ne demande pas à l'opposition d'être unicolore comme c’est le cas à l'Arc-en-ciel, on ne leur demande pas non plus de liste unique aux législatives, chacun devant conserver sa personnalité. Donc ne nous étonnons pas que les partis qui la composent soient différents. On ne peut prôner la diversité avec ses désagréments et rêver en même temps d'un parti unique. Il y a là une contradiction sur laquelle les contradicteurs restent étrangement muets. Acceptons les défauts d'aujourd'hui, pour tirer éventuellement profit des avantages plus tard.

La tentative d'Alpha Condé pour une mamaya supplémentaire

Un chef d'État doit diriger avec toutes les composantes du pays, parce qu'il est censé toutes les représenter. En restant président du RPG, Alpha Condé affiche la couleur. Au moins, il le fait ouvertement ce qui est tout à son honneur, mais est en même temps scandaleux du point de vue républicain, preuve qu'il n'a toujours pas enfilé la veste de président de tous les Guinéens. Ce n'est pas à soixante quinze ans qu'il va changer, celui qui prône le changement... pour les autres.

En dehors d'une rencontre avec ses opposants en novembre 2011, qui n'avait débouché sur rien de concret, sauf sur la volonté d'Alpha Condé d'essayer d'en tirer profit auprès de la communauté internationale, il n'a pas daigné dialoguer avec eux.

Conseillé par une entreprise française de communication, qui s'imagine que les gens vont être séduits par le pouvoir de séduction du PRG, Alpha Condé fait de la communication à tout va, répétant des contre-vérités à l'infini, finissant lui-même par y croire, à force de l'avoir seriné, dans l'espoir que les Guinéens vont se satisfaire de cela. C'est mal les connaître, et leur résignation apparente risque de ne pas s'éterniser.

Convoquant – c'est le mot – les partis politiques – sans faire de distinction entre ceux qui comptent et les autres ‒, et sans ordre du jour, Alpha Condé s'imaginait peut-être que l'opposition allait répondre à l'appel. On ne refuse pas de dialoguer par principe, mais si l'opposition acceptait cette fumisterie, elle n'aurait qu'à envoyer des sous-fifres, pour montrer à Alpha Condé tout le respect que ses décisions suggèrent.

Le report de la marche du 7 février

Bien sûr on peut en critiquer le principe, mais il faut se rappeler que l’opposition est un ensemble de leaders coalisés pour un même objectif apparent, mais avec des intérêts réels divergents (voir ci-dessus). Peu d'entre eux ont le sens de l'intérêt collectif, préférant mettre en avant – sans l'exprimer publiquement ‒ leur devenir personnel.

Pourtant, depuis le bilan des marches pacifiques, un solde macabre comptabilise une quinzaine de morts, de nombreux blessés, des emprisonnements (et les rackets associés), ce qui a pour conséquence que l'UFDG n'est plus prête à sacrifier ses militants et sympathisants, pour des principes et des valeurs sur lesquels Alpha Condé s'assied sans vergogne.

Or il n'est pas question de sacrifier des innocents, pour des motifs certes nobles, mais qui ne nécessitent pas des pertes de vie humaine, dès lors que d'autres moyens restent possibles.

De toute façon, sauf à se faire hara-kiri, le pouvoir devra comprendre que l'opposition n'acceptera pas la présence de Waymark (aucun compromis n'est possible sur ce sujet) et que, dès lors que la CENI se comporte comme le croupion du pouvoir (qui s'en étonne ?), il ne reste que la rue pour se faire entendre, ce que j'ai malheureusement constaté, il y a plus de 3 mois déjà. Nous y sommes.

Contrairement à ce que voudrait nous faire croire le pouvoir, l'opposition comporte des gens raisonnables, et notamment les ex Premiers ministres. Ils savent donc ce qu'est l'intérêt général, même si chacun peut leur en contester la pratique. S'il ne s'agit aucunement de chefs de guerre, qui veulent nous entraîner vers des horizons néfastes pour le pays, cela ne signifie pas qu'ils sont prêts à tout accepter, et notamment leur propre mort politique. Que celui qui fait mine de l'ignorer en accepte donc les conséquences... et l'assume.

Enfin tout le monde se moque de Joseph Blatter, à l'exception de ceux qui espèrent en tirer profit (si si, il y en a), et ce que le gouvernement sollicitait hier (le report de la manifestation), il pourra difficilement le refuser demain, car s'il le fait, il n'aura que le soutien de ses fans. Et chacun comprend ce que cela signifie.

Lorsque les enjeux seront vitaux, et ils le deviennent de plus en plus, chaque jour qui passe, l'opposition ne demandera plus obligatoirement l'autorisation de manifester, mais chaque chose en son temps, car l'impatience est mauvaise conseillère. Perdre une bataille ne signifie pas perdre la guerre, si on peut prendre cette métaphore guerrière à titre d'illustration.

Ce qui compte, c'est la mobilisation, pour montrer que 4 communes sur 5 à Conakry pour le pouvoir, n'est que pur fantasme.


L'attitude de la communauté internationale

La communauté internationale veut des élections, considérant que pour les Africains, les élections sont synonymes de démocratie. Certes l'ambassadeur américain – pour ne citer que ce dernier, mais chacun se rappelle Philippe Van Damme ‒ a dépassé les bornes, en donnant un avis personnel, s'imaginant sans doute que sa parole avait valeur universelle. Même si la communauté internationale est habilitée à faire entendre sa voix (parce qu'elle finance pour l'essentiel le pays), elle doit le faire tout en respectant les codes en usage, et notamment la discrétion (le fameux devoir de réserve), car ce sont les Guinéens qui décideront pour la Guinée. Et c'est ce que l'opposition prouve quotidiennement, en n'acceptant pas les injonctions ‒ discrètes cette fois – de certains de ses représentants.

Ce qui compte là encore, c'est la mobilisation, pour montrer à la communauté internationale, que la Guinée sera désormais pilotée par des Guinéens.


Pourquoi il faut soutenir l'opposition

Bien sûr l'opposition est loin d'être parfaite, elle fait des erreurs, et continuera d'en faire (c'est ainsi qu'on apprend), mais malgré toutes les critiques négatives qu'on peut lui adresser (et il y en a beaucoup), elle est censée représenter une alternative à ce régime. On peut donc par conséquent lui trouver des points de satisfaction, pour au moins trois raisons :

  • Elle a prouvé dans des moments critiques, qu'elle ne sacrifiait pas ses militants selon le bon vouloir de ses dirigeants. Le report de la manifestation du 7 février en constitue une nouvelle illustration, en montrant qu'elle est raisonnable, et qu'elle ne perd pas son sang-froid en maintes occasions. C'est ce qu'on attend de dirigeants responsables. On ne souhaite pas qu'ils deviennent des chefs de guerre, ce qui ne signifie pas que leur détermination est émoussée.
  • Elle représente la Guinée dans toutes ses composantes ethniques, ce qui constitue une prouesse, vu l'état de division actuel, encouragé par le régime actuel pour se pérenniser, qui en fait son seul objectif. Elle prouve ainsi que tous les Guinéens peuvent travailler ensemble, si certains en doutent.
  • Elle est composée d'hommes d'expériences, car chacun voit ce qu'il en coûte de faire appel à des gens inexpérimentés, voire des incapables.

Bien entendu, le pouvoir actuel a beau jeu de présenter les ex-PM comme les fossoyeurs de la Guinée, oubliant d'une part qu'ils n'ont jamais été PRG, la seule fonction qui vaille pour décider réellement, et d'autre part, que la transition Dadis, et surtout Konaté a été la plus désastreuse sur le plan financier. Pourquoi ne pas le rappeler ?

Cellou Dalein Diallo a tiré profit de son échec aux présidentielles de 2010, même si ce dernier est le résultat de fraudes. Il entend montrer qu'il peut participer à une coalition de leaders, et fonctionner de façon consensuelle. Lorsqu'il s'agira éventuellement de trouver une alternative à Alpha Condé en 2015, voire avant si ce dernier s'entête à vouloir passer en force, cet acquis constituera un atout appréciable, vis-à-vis de la communauté internationale, qui reste malgré tout nécessaire et essentielle (mais pas suffisante). On n'enlève pas un dictateur pour en mettre un autre (sauf si cela intéresse un pays en particulier), il faut une alternative, ce que l'opposition aura prouvé au-delà des apparences.

Tout le monde doit se lever pour refuser un quart de siècle (voire plus) d'obscurités en tous genres qui se dessinent, les deux années qui viennent de s'écouler étant suffisamment explicites sur ce point.

La Guinée a besoin d'unité, et ce n'est pas ce régime qui l'apportera, ayant voulu dans un premier temps écarter 40% de la population. On se rend compte aujourd'hui que ce nombre atteint au moins 70%, donc 2 Guinéens sur 3, ce qui est proprement inadmissible. Donc 2 Guinéens sur 3 doivent sortir pour dire à Alpha Condé que la Guinée veut d'une démocratie avec lui s'il joue franc jeu, ou sans lui, s'il persiste dans son entêtement coupable.


Gandhi
Citoyen guinéen


« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).

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