La violence politique en Guinée

Journée de commémoration du 28 septembre 2009
Samedi 1er Octobre 2011 à la Bourse du travail
3, Rue Château d'eau, 75010 PARIS

Contribution de Nabbie Soumah : La violence politique en Guinée
INTRODUCTION:
« Quant à vouloir s’imposer à ses concitoyens par la violence, c’est toujours chose odieuse même si l'on se donne pour but de réformer des abus » disait Caius Sallustius Crispus dit Salluste le militaire et historien romain.
« La violence se manifeste toujours lorsque le pouvoir est menacé ou aux abois! », comme dirait l’autre. Décidément les mauvaises habitudes sont tenaces : le sang a encore coulé à Conakry qui fut paralysé, une ville morte à la veille de la date commémorative du lundi noir du 28 septembre 2009 , du second anniversaire du massacre d'au moins 150 manifestants, plus 1 200 blessés, des dizaines de femmes violées et de nombreux disparus par la junte militaire. Ce sont des souvenirs atroces, indélébiles dans la mémoire collective.
Cette date a été décrétée journée « de la réconciliation nationale » par le Président Alpha Condé, mais aucun des auteurs supposés du massacre n'a, à ce jour, été inquiété, ni appréhendé.
L'opposition, sous l’impulsion du Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition (CPPFT), voulait protester, entre autres, contre l'absence de véritable dialogue et l'organisation des élections législatives du 29 décembre prochain dont la date a été fixée unilatéralement par le pouvoir et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dont la restructuration est un des points d'achoppement.
Selon le CPPFT, « la répression des forces de l’ordre a entrainé au moins quatre (4) morts, de nombreux blessés dont dix en état grave et des centaines d’arrestations dont celle de Mr Etienne Soropogui, vice-président du parti NFD ».
Par ailleurs, il déplore « l’implication dans cette répression d’une milice privée communément appelée les « Donzo » dont les membres, armés de flèches et d’autres armes blanches, ont commis et continuent de commettre des exactions jusque dans les domiciles des militants de l’opposition ».
Le droit de manifester est reconnu par l'article 10 de la constitution du 7 mai 2010 : « tous les citoyens ont le droit de manifestation et de cortège ». Mais en Guinée, l’expression des libertés garanties par la constitution et les lois organiques se termine souvent dans la violence; le pouvoir en place continue d’assimiler une marche pacifique ou un meeting à des actions de subversion, d'atteinte à la sureté de l'Etat.
En Guinée, la violence politique est récurrente. Elle s'opère tantôt au sein de l'Etat même, tantôt de la part de l'Etat à l'encontre des leaders politiques ou des populations désœuvrées et sans défense. L’« attentat » ou « règlement de comptes » du jeudi 03 décembre 2009 au camp militaire de Koundara où le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba a tiré sur le chef d’Etat Moussa Dadis Camara en est une triste illustration.
La violence émane de l’Etat, de ses démembrements, de ses forces de sécurité, paramilitaires ; c'est un fléau qui y perdure pour trois raisons majeures :
1°) D’abord, le massacre et les viols du 28 septembre 2009 au stade du même nom sont la conséquence logique de l’accommodement à la culture de l’impunité, de l’injustice, à la violence, aux nombreux et répétitifs manquements aux droits de l’Homme depuis les années 50. Le sinistre camp de détention dénommé Boiro fut l’illustration parfaite de la violence politique, en somme le lieu de l’avilissement de la personne humaine.
2°) Ensuite, l’absence de rupture avec le passé, « d’aggiornamento ».
3°) Enfin, l’absence de « clarification » dans le jeu politique guinéen. Nous passons d'un régime à un autre sans faire le bilan de ce qui nous est arrivé.
Ce sujet m’amène à une analyse sous deux axes, sous deux angles :
- Quel est ce concept, quels sont ses contours de la violence politique ?
- Quelles sont les raisons de son application, de sa persistance en Guinée ?

A/ CONCEPT ET TYPOLOGIE DE LA VIOLENCE POLITIQUE

1°) Qu’est-ce que la violence politique ?
Les définitions, les doctrines et les classifications se rapportant à la violence politique sont multiples. C’est une notion extensive qui a un caractère universel et est liée à l’histoire de l’humanité.
Selon moi, « la violence politique est un mode d’affirmation politique par la coercition, la contrainte, la force sous différentes formes de la part d’un homme ou d’un groupement humain sur d’autres classes sociales, alors que l’Etat de droit est caractérisé par l’exclusion de toute forme de violence ».
Dans son analyse sociologique, Pierre Bourdieu (1930-2002) définissait « la violence symbolique » comme « tout pouvoir qui parvient à imposer des significations et à les imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de force qui sont au fondement de sa force ».

2°) Typologie de la violence politique

La violence politique se décline sous différentes formes, sous différents aspects.
Bien qu’il soit difficile d’établir une typologie de la violence politique, Paul Wilkinson (1937-2011) en tente l’exercice avec le distinguo entre la violence politique à grande échelle et la violence politique à petite échelle, aidé en cela par les travaux de Samuel Phillips Huntington (1927-2008).
A cette classification, il convient d’ajouter d’autres formes de violence politique.
Bien qu’il soit un symptôme révélant une pathologie, un mal profond, le coup d’Etat militaire est la rupture brutale de l’ordre constitutionnel qui peut engendrer des dégâts matériels et humains, altérer la cohésion nationale.
Il y a les violences armées d’organisations clandestines : IRA, ETA, FLNC ou, il y a quelques années, Fraction armée rouge, Brigades rouges,...
On note la violence fondamentaliste, la religion politique ou l’islamisme dans le conflit moderne.
La propagande politique, le monopole et l’orientation idéologique, parfois haineuse des médias d’Etat notamment la radio « des mille collines » au Rwanda, la « Voix de la Révolution » en Guinée où t il y eut, par le biais du Conseil national de la communication (CNC), une tentative de censurer, de bâillonner la liberté d’expression au niveau des émissions radio interactives et des messageries électroniques sous le CNDD de Dadis Camara hier, par Martine Condé récemment qui interdit aux médias d'évoquer le présumé attentat du 19 juillet contre le chef de l'Etat et d'organiser des émissions interactives à caractère politique.
Censurer des libertés individuelles et collectives garanties par notre constitution et les lois organiques, bâillonner le liberté d'expression et celle de la presse constituent une autre forme de violence politique qu'il faut condamner au même titre que les crimes humains et les crimes économiques.
La presse est l’échine de la liberté, l'épine dorsale de la démocratie, un pilier essentiel de la démocratie, un contre-pouvoir par excellence comme le stipule les article 7 et 125 du titre 10 de la constitution du 7 mai 2010 relatif à la Haute Autorité de la communication (HAC).

3°) Quelle est la frontière entre une violence politique légitime
et une violence politique avilissante ?
Bien qu’elle soit mince, ténue cette frontière, cette dichotomie existent bel et bien. Notamment en ce qui concerne le principe d’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes brandi par les mouvements de libération nationale dans le cadre du droit international public. C’est l’exception, l’entorse admise au principe de non-utilisation de la violence dans les relations internationales.
Par exemple, comment distinguer un terroriste d’un combattant de la liberté ?
Aussi bien l’article 4, alinéa 2, de la Charte des Nations Unies que l’article 1, § 4 du Protocole de la Convention de Genève du 12 août 19 49 légitiment les conflits dans lesquels des peuples se battent contre une occupation étrangère.
Ce fut le cas de l’ANC en Afrique du Sud, du FLN en Algérie avant les accords d’Evian de 1962, du Hezbollah contre les forces israéliennes au Liban du Sud.

B/ LES CAUSES STRUCTURELLES DE LA VIOLENCE POLITIQUE EN GUINEE

1°) L’accommodement à la culture de la violence,
de l’injustice et au culte de l’impunité

a) Un regard rétrospectif sur la pratique de la violence politique en Guinée
Il est judicieux de jeter un regard rétrospectif sur la pratique de la violence politique et le passé politique de la Guinée, car le passé permets de mieux appréhender le présent.
- Avant l’indépendance : La mise en place de l’assemblée territoriale au lendemain de la seconde guerre mondiale fut l’objet d’âpres empoignades et de violence politiques. Par ailleurs, l’application de la loi-cadre Gaston Defferre du 23 juin19 56 relative à l’autonomie des territoires d’Outre-mer engendra des violences dont les souvenirs demeurent vivaces dans la mémoire collective.
- La violence des « années révolutionnaires » : Le caractère violent du régime d’Ahmed Sékou Touré (AST) (1922-1984) n’est plus à démontrer. C’est l’avènement du monolithisme politique, de la pensée unique et du totalitarisme avec notamment un mimétisme négatif des pratiques de ses alliés du bloc soviétique. Ce sera le système du gouvernement par la délation, la terreur, le ralliement forcé et la méthode du complot permanent (cf. la fameuse « Cinquième colonne »).
La liste des méfaits de cette « dictature civile » est longue comme un jour sans pain.
- Continuité de la violence politique sous la dictature militaire de Lansana Conté : Le 3 avril 1984 , le colonel Lansana Conté et l’armée prennent le pouvoir et utilisent les prérogatives de la puissance publique, la violence pour asseoir, conforter leur pouvoir pendant 24 ans.
Le présumé coup d’Etat du 4 Juillet 1985 imputé à l’ancien Premier ministre Diarra Traoré (1935-1985) entraînera l’exécution sommaire d’une centaine de militaires et civils en majorité Malinkés pour leur prétendue implication dans l’insurrection.
S’ensuivront l'affaire Kaporo-Rail, les mouvements sociaux de juin 2006 et janvier-février 2007.
- Moussa Dadis Camara et le spectre de la violence politique : Continuité des arrestations extrajudiciaires, des détentions sans procès dans des lieux non conventionnels (cf. Iles de Kassa), incarcération par décret sans droit de visite, ni d’assistance d’avocat aux détenus civils et militaires arrêtés, viols et massacres du 28 septembre dernier, achat d’armes en Ukraine, enrôlement de mercenaires et de milices ethniques pour la conservation du pouvoir à tout prix.
- Sékouba Konaté et l'entre deux tours de la présidentielle de 2010 : La rumeur d’empoisonnement, d’intoxication volontaire des militants de l'arc-en-ciel du 22 octobre 2010 a déclenché la chasse à l’homme à l’encontre des Peulh en haute-Guinée dans les localités de Siguiri, Kouroussa, Kissidougou et Nzérékoré .Ces violences ont entrainé des morts d’hommes, des centaines de blessés graves, des destructions de maisons d’habitation, de boutiques et magasins systématiquement vidés de leurs contenus.
Les tortures et autres maltraitances d’enfants au lendemain de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle.
- Changement dans la continuité en 2011 : la milice des chasseurs traditionnels Donzos devenus les supplétifs des forces de l'ordre
« Je ne viens pas en Guinée pour gouverner des cimetières » clamait Alpha Condé lorsqu'il était dans l'opposition et prêchait la non-violence dans son combat politique pour la conquête du pouvoir.
Mais la mort de Zakariaou Diallo, la brutalité et les coups de feu contre les militants de l’UFDG venus accueillir leur leader, les arrestations de la garde-rapprochée de ce dernier, la répression sanglante des manifestants du 27 septembre attestent le contraire et mettent à mal cette profession de foi.
Des blessures et agressions auraient été commises à l'encontre des manifestants par la milice des chasseurs traditionnels Donzos au service du pouvoir.
La présomption d'innocence, le secret de l'instruction, la présence d'avocats dès la garde à vue, la protection et la garantie de l'intégrité physique n'ont pas été assurés à toutes les personnes appréhendées pour l'attentat présumé du19 juillet dernier.

b)- la violence de l’armée guinéenne ou le dépérissement
d’une institution régalienne, républicaine
Le coup d'Etat du 11 novembre 19 68 au Mali contre le Président Modibo Kéita (1915-1977) avait traumatisé AST qui s'attaquera à l'armée pour la neutraliser. Sa déprofessionnalisation fut entamée avec l’installation des comités d'unités militaires (CMU) dans l'armée qui ont contribué à sa politisation. C'est le PDG, à travers ses officiers politiques, qui dirige désormais l'armée. C'est la promotion du militantisme zélé, opportuniste et de la médiocrité. AST misa sur la milice populaire au détriment de l'armée qui fut décapitée d'où sa faible résistance lors du débarquement du 22 novembre 1970 .
La seconde raison de sa déliquescence résulte de la purge en 1969 où de nombreux officiers bien formés disparurent dans des pseudo-complots, parce qu’ils n’acceptaient pas la mainmise du parti sur la grande muette. Les premiers officiers, qui ne doivent leurs galons, leur promotion qu’au parti unique, viennent de là.
Avec Lansana Conté (1922-1984), qui est le prototype de ses officiers de l’ère du PDG, le processus de délitement est presque accompli, abouti puisque l’élite militaire est étêtée, même si la milice fut dissoute. L’armée s’octroie les pouvoirs de police, le rôle de maintien de l’ordre dévolu en principe dans un régime démocratique à la police et à la gendarmerie. Elle rackette, rançonne une population désœuvrée et sans défense. La maladie de Lansana Conté a permis aux hommes du capitaine Moussa Dadis Camara de détruire le reste de l’institution. Sékouba Konaté en décembre 2009 fustigea le mode de conscription, de recrutement basé notamment sur les rebuts et les délinquants de la société.
Aujourd’hui, l’armée guinéenne est arrivée à un tel niveau de dépérissement, qu’il serait suicidaire de lui octroyer un rôle politique. La réforme des forces de sécurité n'est qu'une arlésienne : on en parle mais on ne voit pas le début du commencement du prélude de l'entame de cette restructuration.
Comme disait le juriste Ibrahima Sory Makanéra « il n’y a pas d’armée guinéenne mais des groupes armées au sein de l’armée guinéenne ».

2°) le refus de rupture avec le passé
Lors de l'entame du processus de démocratisation de la vie politique, avec l’avènement de L. Conté et du Comité militaire de redressement national (CMRN), les caciques de l'Ancien Régime et du PDG avaient investi les nouveaux partis politiques. Ils se sont refaits une « virginité » morale et politique à moindres frais, alors que le PDG est un cancer qui s'est métastasé dans la société et la classe politique guinéennes.
C’est dans le parti pour l'unité et le progrès (PUP), le parti dominant, où se sont également recyclés des caciques de l'Ancien Régime. El hadj Biro Diallo, qui était le secrétaire fédéral du PDG à Mamou, fut le premier secrétaire général du PUP avant d'être remplacé par M. Abdoulaye Somparé, ancien membre éminent de la JRDA et ambassadeur lors du règne de A.S.Touré. Ce dernier déclara « PUP et PDG, même combat ! », « Le PUP assume tout l'héritage du PDG! ». Il écoula le fonds de commerce du PDG dans le système Conté pendant 24 ans. En fait le PUP a été l'héritier, l'enfant naturel du PDG. Il a eu une propension naturelle à devenir le parti-Etat de la Guinée « libérale ». N'avait-t-il pas pris en otage l'administration, les médias, pour en faire une propriété en viager ?
Le premier ministre de consensus de mars 2007, M. Lansana Kouyaté pensa plus à sa carrière ; il se détourna de sa feuille route dans laquelle notamment était retenu le procès des auteurs des exactions de juin 2006 et en janvier-février 2007.
Quant à Dadis, il est la matérialisation du passif des 24 ans de L. Conté qu’il a toujours soutenu et préservé.
Après l’avoir jeté aux gémonies, envoyé en enfer, subitement AST est qualifié de « patriote » par Alpha Condé qui veut parachever son œuvre, « finir son travail là où il l’avait laissé ». Donc la Guinée n’est plus l’Albanie de l’Afrique, une prison à ciel ouvert. Si l’on enlève à quelqu’un la liberté, que lui reste-t-il ?
Actuellement, c’est la distribution des lauriers et des gratifications : on constate et déplore la récurrente réhabilitation, le recyclage et la promotion permanents des fossoyeurs de l'économie guinéenne, des deniers publics, des services publics et des criminels de sang, des violeurs. A l'instar de Ahmed Tidiane Souaré, Ousmane Sylla, Louncény Nabé, Ahmed Kanté, Mr. Madifing Diané, Jean-Marie Doré, Mamadou Sylla , Fodé Bangoura, Fodé « Arianaé » Soumah, Kiridi Bangoura, le Lieutenant-colonel Claude PIVI alias Coplan élevé au rang de Chevalier de l’ordre national de mérite de la République, le lieutenant colonel Moussa Tiegboro Camara.
Ces deux derniers sont sous la menace d’un transfèrement à la CPI (cf. le rapport onusien accablant et nominatif de Mohamed Bedjaoui) pour les douloureux évènements du 28 Septembre 2009 .

3°) L’absence de « clarification »
Il n'y a pas eu de clarté, de « clarification » dans le jeu politique guinéen. Nous passons d'un régime à un autre sans faire le bilan de ce qui nous est arrivé. C'est comme si on rachète une entreprise privée sans regarder l'actif et le passif. On n'a pas fait de « background check », comme disent les Américains.
Il n'y a pas eu de conférence nationale, d’introspection collective, de politique, de structure, ni d'instance de réconciliation, pas d' « exorcisme » des frustrations à l'image de l'Afrique du Sud avec la commission « Vérité et réconciliation », du Bénin, du Mali, du Congo avec la pratique du « lavement des mains » pour demander pardon et se réconcilier.
Résultat : il y eut la dilution de la notion de responsabilité. On ne sait pas qui est qui, qui a fait quoi. On tente de jeter un voile d'oubli sur notre passé, sur toutes ces années de plomb. S'il y avait eu la « clarification » :
- dés 1984 sur l'Ancien Régime, à coup sûr les exécutions sommaires de 1985 n'auraient pas eu lieu. Par exemple, M. Alsény Gomez lorsqu'il était secrétaire général de la présidence la République n'aurait pas eu comme principal collaborateur M. Guy Guichard qui fut un de ses tortionnaires au sinistre Camp Boiro où il fut embastillé pendant 10 ans.
- Il n’ y aurait pas eu d’émeutes, d’exactions, ni d’Etat de siège en juin 2006 et en janvier-février 2007.
- Il n’ y aurait pas eu de carnages, de viols en septembre 2009.
- Il n’ y aurait pas eu d'exactions pendant l'entre-deux tours de la présidentielle de 2010.
- L’armée guinéenne aurait été restructurée depuis belle lurette et cantonnée, ramenée à son rôle originel, régalien et républicain de défense du territoire national, dans des actions ponctuelles de développement économique, pour des équipements structurants, mais surtout hors du champ politique partisan. Elle n’aurait pas été dans un tel état de délitement, de décomposition, de dépérissement.
- en somme, au final la violence politique gratuite et l’impunité ne feraient pas partie de nos mœurs politiques.

CONCLUSION
Les producteurs de violence ne doivent pas continuer de bénéficier en Guinée d’une totale impunité et tout est fait par « certains » pour qu’un drap d’oubli soit jeté sur leurs méfaits. Au détriment du droit à la vérité, à la justice restauratrice et réparatrice et au final à la réconciliation et à l’apaisement des cœurs.
Pour exorciser la violence politique en Guinée, un devoir de mémoire contre l'impunité s’impose comme c’est fut le cas du procès des « Khmers rouges » au Cambodge. Pour y arriver, il faudrait une justice indépendante, non domestiquée qui fonctionne sans entrave, ni immixtion du pouvoir politique.
A l’inverse de la Guinée, l’identification, l’arrestation et le jugement d’auteurs de crimes contre l’humanité s’opèrent sans relâche au sein de la communauté internationale. Les exemples sont nombreux.
La violence politique, caractérisée par des guerres, des massacres, des génocides, des troubles civils au cours du 20e siècle et à l'aube du 21e, apparaît comme un défi à l'humanité ; d’où une législation pénale (cf. les 4 conventions de Genève en 1949) et une jurisprudence (cf. le statut de Rome de la CPI et les 4 TPI ad hoc) internationales soutenues et cohérentes au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L’histoire de la Guinée demeure une tragédie sans fin depuis les années 50 à nos jours ; elle reste marquée par la violence, la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité, la misère, le manque d’eau courante et d’électricité, la désespérance sociale, le rejet de l’autre, l’ethnocentrisme, le régionalisme, la violence politique, la diasporaphobie aigüe.
Comment éradiquer les causes structurelles de la persistance de tels fléaux ? Vaste programme et énormes défis. Ce n’est pas la fatalité, ni châtiment divin non plus ; c’est le fait de l’Homme et ce que l’Homme a fait, l’Homme peut le défaire.
La priorité, en Guinée, est de construire un Etat autour d’une nation. Cela ne se fait pas par la violence, l’exclusion et la censure des libertés fondamentales.
L’exercice démocratique est un levier de développement par excellence ; il est l’antidote de la violence politique dont la Guinée a été et demeure malheureusement et coutumièrement le théâtre.
Le changement actuellement n’est qu’incantatoire et non une réalité vivante : le présent est décevant et l’avenir est menaçant, inquiétant. Les maux congénitaux dont souffre la société guinéenne sont loin d’être résolus.
Nous assistons à une démarche confiscatoire de tous les pouvoirs au profit d’un seul homme, d’un seul parti et d’une seule ethnie.
Encore un nouveau rendez-vous manqué, raté avec l’histoire : la manifestation du 27 septembre constituait un vrai test démocratique. C’était le premier vrai rassemblement de l’opposition de l’ère Condé avec pour enjeu principal la tenue d’élections législatives crédibles qui allaient clore la transition.
Après la signature de l'accord tripartite de Ouagadougou du 15 janvier 2010 , il y avait une évidence de frémissement démocratique, d'espoir en des lendemains meilleurs, mais nous assistons à un simulacre de dialogue, de faux dialogue alors qu'en politique il y a une vertu cardinale qu'est le dialogue, la discussion, la concertation.
Celui qui a refusé une gouvernance partagée avec ses alliés de l'arc-en-ciel acceptera-t-il de négocier avec ses adversaires politiques ?
Certains ont du constituer une nouvelle structure partisane appelée l’alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), formée par les deux ex-premiers ministres, Lansana Kouyaté (PEDN) et Jean Marie Doré (UPG), l’ex ministre Aboubacar Sylla (UFC) et trois autres formations politiques (PPG, PUL, PSDG).
La gouvernance actuelle vire au mauvais polar, au cauchemar et je crains que la Guinée n'entre dans une ambiance crépusculaire, de gouvernance solitaire et autocratique. Mais les patriotes guinéens devraient être plus galvanisés que tétanisés face à l'ampleur de la tache pour la véritable renaissance de la Guinée.
Cependant, il n’y aura pas de réussite, ni victoire individuelle sans ambition collective.
Que Dieu préserve la Guinée !
Nabbie Ibrahim « Baby » SOUMAH
Juriste et anthropologue guinéen
nabbie_soumah@yahoo.fr
Paris, le 01 octobre 2011

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