Bambéto,un quartier sur des charbons ardents

Toujours prompt à s’enflammer, ce quartier populaire de la banlieue nord de Conakry est l’un des plus turbulents de la capitale guinéenne.

On ne peut pas rater le rond-point principal de Bambéto. C’est le centre névralgique de ce quartier populaire guinéen de la « haute banlieue » de Conakry, le lieu où convergent et d’où partent toutes les contestations sociales et politiques. À lui seul, le coup de gueule « À bas le CNT » (Conseil national de transition), inscrit en rouge sur l’un des monuments du carrefour, en dit long sur la propension de ses habitants à la fronde. Comme tous les jours, ce dimanche, aboyeurs de la gare routière, chauffeurs de magbana (minibus), mendiants aveugles guidés par des enfants aux pieds nus… ils sont des centaines à s’être donné rendez-vous ici pour tenter de gagner leur pain quotidien. Entre les cris de commerçants, le concert des klaxons et les coups de sifflet de policiers excédés par l’indiscipline généralisée des piétons comme des conducteurs, le bruit est indescriptible.

Part de colère

Des forces de l’ordre veillent au grain et guettent le moindre attroupement au rond-point, devenu leur pire cauchemar. Le quartier est peuplé majoritairement de Peuls, qui, à tort ou à raison, se sentent exclus du pouvoir politique depuis plusieurs années. Ici, c’est « 100 % Cellou », comme on peut le lire, en grands caractères, sur un autre monument du rond-point. En clair, le Peul Cellou Dalein Diallo, principal opposant à Alpha Condé, est le préféré des habitants de Bambéto, qui suivent ses mots d’ordre à la lettre.
Ceci étant, le plus souvent, notamment quand il y a des délestages, personne n’attend le mot d’ordre de Cellou (ici, on l’appelle juste par son prénom) ni de qui que ce soit pour manifester son mécontentement. Ainsi, durant la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012) de football en janvier-février, les jours où le Sily (l’« éléphant » en soussou, l’équipe nationale) jouait étaient particulièrement redoutés par les responsables d’Électricité de Guinée (EDG). Il a en effet suffi d’une interruption, le jour de son entrée en compétition, pour que Bambéto s’embrase.

De Lansana Conté à Alpha Condé, en passant par Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté, chacun a eu sa part de colère de Bambéto. Condé, lui, tente un rapprochement avec certains leaders du quartier rebelle. Mi-février, il a reçu des jeunes de Bambéto à Sékoutoureya. Une rencontre bien entendu retransmise à la télévision nationale et organisée, entre autres, par le ministre Ousmane Bah, président de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR), allié de Condé et rival de Diallo dans les milieux peuls.

Foot, Thé, Dodo

« Les gens disent que nous sommes violents, que nous sommes opposés au pouvoir et que nous sommes manipulés par l’UFDG [l’Union des forces démocratiques de Guinée, le parti de Diallo, NDLR], explique Demba Diallo, étudiant en fin de cycle, en recherche d’emploi… C’est simplement ce qui arrive quand il n’y a pas de boulot. Le programme de la journée pour un jeune de Bambéto, c’est football au quartier le matin, déjeuner de riz à la sauce feuille à 10 heures (suffisant pour le seul repas du jour), balade à la gare jusqu’à 16 heures, thé le soir et dodo. Il n’y a rien d’autre à faire. »

Si ce n’est, tout de même, de partager quelques divertissements de temps en temps. Durant le mois de février, les membres d’Ultime Family, un groupe de rappeurs du quartier, ont sillonné les rues non bitumées et les dizaines d’allées tracées sans plan entre les maisons pour inviter les jeunes de Bambéto à leur anniversaire, organisé dans une boîte de nuit. Collées sur des réverbères – qui, ici plus qu’ailleurs encore, ne s’allument que très rarement –, les affiches conviant à la soirée en témoignent encore très phonétiquement (en tout cas sans s’embarrasser de quelconques règles d’orthographe). C’est aussi une particularité de Bambéto, dont l’une des devises est : « On n’est pas dans les détails. »

JeuneAfrique

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