« Tant que j'assume la fonction de Ministre de la justice, la loi ne sera jamais en prison… .Et je dis que l'impunité est finie dans ce pays », prévient Maître Christian Sow.


A la marge de la retraite gouvernementale de mars dernier consacrée à la réforme de l’administration, le ministre de la justice et garde des sceaux a bien voulu se prêter aux questions de notre rédaction. Dans cet entretien à bâton rompu, Maître Christian Sow revient sur plusieurs sujets dont les réformes dans ce secteur, l’indépendance de la justice, la situation des prévenus sur l’attaque du domicile du Chef de l’Etat. Lisez…



Aminata.com : On parle de la réforme de l'Etat et de l'administration du pays, qu'est ce qu'elles sont les attentes au niveau de la justice?



Maître Christian Sow : En matière de justice, nous sommes dans la réforme de la justice. A la suite des états généraux, nous avons établi un plan d'action. Il y a même eu un décret pour mettre en place des organes chargés de la réforme de la justice. Nous sommes avec quelques bailleurs de fonds pour nous accompagner. Vous savez en matière de la justice, elle sera certainement la réforme fondamentale. Tout est loi, tout est réglementation. Mais je dois attirer sur le fait qu'en matière de réforme de la justice réussisse, il faut manifestement les moyens. Des moyens importants pour relever les infrastructures judiciaires.
Je me souviens lors des états généraux, M. le Président de la République a vu l'état des juridictions à Conakry et à l'intérieur du pays, il s'est étonné en disant est ce vrai? Est ce que ces infrastructures se trouvent en Guinée? C’était vraiment des images saisissantes et pitoyables.

Aminata.com: A l’immédiat qu’est ce qu’il faut aux magistrats guinéens pour un travail correct ?

Maître Christian Sow : Pour que les magistrats puissent travailler dans les conditions idéales, il faudrait avoir des infrastructures convenables. Pour que les partenaires étrangers puissent croire à la justice, et que les citoyens puissent croire à la justice, faudrait-il qu'ils trouvent en face d'eux des infrastructures convenables et un personnel qualifié. La justice doit se rendre dans des lieux convenables. Si je vous dis par exemple d’aller à Dubréka (Ndlr : une préfecture située à 50 km au Nord de la capitale), nos infrastructures sont totalement vétustes. Les audiences se tiennent dans une maison privée. Ce qui est totalement inacceptable. Comme dans la plupart des Préfectures, il faudrait que ces loyers relèvent même de l'Etat sur le relèvement des infrastructures judiciaires.

Aminata.com: Une année après les états généraux de la justice. Quels sont les progrès enregistrés à ce niveau?

Maître Christian Sow : Beaucoup de progrès ont été faits sur le plan textuel et sur le plan de la coopération puisque nous avons repris avec la coopération française qui nous aide pour la formation des magistrats. Des textes ont été faits et réalisés, de ce point de vue on a beaucoup labouré. La semence est aujourd'hui jetée, faudrait-il je ne me lasserai jamais de me répéter que tous ces fruits soient mis dans les endroits convenables.

Aminata.com : Lors de l'insurrection de janvier-février 2007, la plupart des infrastructures judiciaires ont fait l'objet d'attaques et de destruction. Après les états généraux, est ce qu'il y a eu des efforts pour leur réhabilitation?

Maître Christian Sow : Nous avons un programme parce que les travaux que nous sommes entrain de faire, il y a celui de la carte judiciaire et pénitentiaire de la Guinée. Donc dans notre plan d'action, c'est prévu et nous avons un programme avec l'Union Européenne. Mais je dois dire que l'Etat doit s'impliquer pour que ce relèvement puisse se faire rapidement. Si je vous dis aujourd'hui que le budget d'investissement de la justice pour l'année 2012 est de seulement 8 milliards 200 millions. Mais dès lors qu'on a atteint le point d'achèvement, le Président de la République fera beaucoup de choses. Mais il est souhaitable de commencer dès maintenant.

Aminata.com : Parlant des procès qui se tiennent aujourd'hui, par exemple l'attaque du domicile du Président de la République après 6 mois de détention 17 personnes ont été acquittées suite à un non lieu. Ces personnes peuvent-elles porter plainte contre l'État pour détention illégale?

Maître Christian Sow : Tant que j'assume la fonction de Ministre de la justice, la loi ne sera jamais en prison. Les citoyens exerceront leurs droits. Çà peut tarder mais çà revient avec plus de technicité. Et je dis que l'impunité est finie dans ce pays. Et je pense que ce désire et cette volonté sont partagés par le Président de la République et le gouvernement. Je rassure durant son mandat l'impunité ne sera pas tolérée. En ce qui concerne la plainte des gens pour qu'il y ait plainte, il faut qu'il y ait une justice convenable. Ce qu'il faut retenir par rapport à ce que vous venez de me dire, il y a une cinquantaine de personnes qui ont été interpellées dans l'attaque du domicile du Président de la République. Ils ont été déférés, inculpés et le juge d'instruction fait sont travail. J'avoue que la justice travaille en toute sérénité. Le travail a été fait dans le professionnalisme. Ce qu'il faut saluer, ce que les juges d'instruction au terme de leurs investigations, ont estimé qu'un certain nombre de personnes ne devaient pas être poursuivies. Les autres seront traduites devant la cour et on examinera en toute transparence. Moi je dis aujourd'hui en ce qui concerne la justice, personne ne doit fuir pour aller où que ce soit. Il peut prendre l'avocat qu'il veut, il peut faire venir celui qu'il veut, il y a une presse libre et tout sera transparent. C'est en cela que je veux la justice de notre pays soit une justice crédible avec des magistrats forts et formés.


Aminata.com : Sauf que depuis le démarrage de cette cour d'assise les verdicts ont été qualifiés de complaisants au détriment des victimes. Que pouvez-vous répondre à ce cas de figure?

Maître Christian Sow : J'ai suivi un peu ces assises mais il y a eu des gens qui ont été condamnées à la perpétuité. Dans d'autres circonstances, il y a eu des gens qui sont condamnées à mort. Ce qu'il faut retenir, ce n'est pas un sentiment qu’on juge, ce sont les faits. Le juge ne tient compte que des faits et des limites imposées par la loi. Il ne peut pas aller au delà. Et à mon avis c'est ce qui se passe actuellement. D'autres ont été condamnés de 15 à 20 ans. Dans le cadre des assassins donnez moi un cas où un assassin a été condamné à deux ans ou 5 ans ou libéré. La plupart des situations qui ont prévalu au niveau de la présente cour d'assise dans les cas d'assassinats avérés, c'est la perpétuité.

Aminata.com : Pourtant beaucoup des Guinéens doutent toujours de l'indépendance de la justice guinéenne, que répondez-vous à ces gens?

Maître Christian Sow : Moi je pense aujourd'hui nous voulons gouverner autrement notre pays. Il y a des situations qui ont prévalu dans ce pays, les gens ont été condamnés. Je vous dis une chose et je le répète encore à tout un chacun, même les magistrats le savent, en tant que Ministre de la justice, j'ai été avocat, je me suis battu pour l'instauration de la loi et je ne vais pas le défaire en tant que Ministre de la justice. Ne tenez pas compte des rumeurs et des opinions personnelles ou collectives, ne tenez compte que des faits et rien que des faits. Et lors des manifestations beaucoup des gens n'ont pas fait attention mais beaucoup ont été libérés, la justice a été saluée. Je ne suis pas un Ministre qui est venu pour étouffer. Je vous dis une chose lors de la passation de service j’ai dit que je ne suis pas venu pour présider au sommeil de la justice. Mais je suis venu pour rendre à cette institution sa crédibilité et sa noblesse.


Aminata.com : Que dites-vous à ces gens qui pensent que la justice guinéenne n'est pas indépendante?

Maître Christian Sow : Toute indépendance est relative. Mais pour moi, je me bats pour rendre à cette justice son indépendance. En tant qu'avocat je me suis battu pour l'indépendance de la justice et je continuerai à le faire. Nous voulons gouverner et la justice accomplira toujours son compte. Je prie qu'on donne à la justice les moyens nécessaires. Le peuple sera surpris.

Aminata.com : L’autre dossier est celui du 28 septembre avec cette inculpation ?

Maître Christian Sow : C’est un dossier complexe hérité des gouvernements passés. Malgré tout, avec les réformes annoncées, la justice suit son cours normal. Ce dossier tout comme d’autres est au centre des préoccupations. Il n'est pas dit simplement que l'inculpation doit conduire à la sûreté. C'est une procédure qui a été engagée par les magistrats. Si je vous dis quelque chose, on dira que le Ministre de la justice s'est mêlé dans le fonctionnement. Ce sont eux. Mais la loi Guinéenne prévoit des dispositions. C'est à eux selon la personne, le contexte ainsi de suite. L'obligation que j'ai en tant que Ministre de la justice, c'est de mettre les gens dans les conditions de travail. C’est ce que j'essaye de faire à mon niveau et tout temps d’ailleurs depuis mon arrivée à la tête de ce département.

Propos recueillis par Baldé Abdallah avec le décryptage de Bah Ibrahima Gallé pour Aminata.com

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