MARTINE ILBOUDO/CONDE, Présidente du Conseil national de la communication de la Guinée Conakry

« Nous sommes agréablement surpris par la maturité de la presse burkinabè »






Venue au Burkina pour s’imprégner de l’expérience du Conseil supérieur de la communication (CSC) en matière de couverture médiatique des élections, la présidente du Conseil national de la communication (CNC) de la Guinée Conakry, Martine Ilboudo/Condé, a effectué une visite de courtoisie aux Editions « Le Pays », où elle a rencontré un ami de longue date, Boureima Jérémie Sigué. Elle l’a, en effet, connu au moment où elle s’apprêtait à lancer sa structure de communication au Burkina, « Similus », spécialisée dans le domaine de la publicité et du cinéma. Accueillie par le directeur général des Editions « Le Pays », Beldh’or Cheick Sigué, le 27 novembre dernier, elle a évoqué avec lui les raisons de sa visite et en a profité pour rendre un vibrant hommage aux Editions « Le Pays » pour la qualité du travail abattu en 21 ans d’existence. « Le Pays » est une référence dans la sous-région », a-t-elle déclaré. Après avoir visité les locaux du journal, Martine Ilboudo/Condé qui était accompagnée de Kalifa Condé, conseiller au CNC, nous a accordé une interview à la rédaction. Lisez plutôt !

« Le Pays » : En tant que présidente du CNC de la Guinée Conakry, est-ce que vous pouvez nous faire l’état des lieux de la presse en Guinée Conakry ?

Martine Ilboudo/Condé : C’est une question assez vaste d’autant que le paysage médiatique guinéen est très riche avec 600 titres ayant leurs récépissés, mais dont une vingtaine seulement paraissent. Ce sont, en général, des hebdomadaires, des mensuels et des quotidiens. A cela s’ajoute la presse en ligne qui est très riche et très virulente dont le nombre est estimé à près de 85. Pour ce qui est de la presse audiovisuelle, nous dénombrons une quarantaine de radios communautaires et commerciales confondues et cinq télévisons. En Guinée, nous n’avons pas de radio confessionnelle comme c’est le cas au Burkina. Sachez qu’actuellement, tout est en reconstruction dans notre pays, même la loi sur la liberté de la presse. Concernant cette loi, nous sommes entre deux chaises, parce que l’ancienne loi date de 1991. Et cette loi est toujours en vigueur jusqu’à nos jours. La loi de 1991 ne prévoyait pas les dispositions régissant la presse audiovisuelle et en ligne. Mais on ne peut pas faire fi de ces deux supports actuellement, puisque c’est une réalité. Nous attendons que la nouvelle loi entre en vigueur avec la tenue des élections couplées prochaines, qui verront la mise en place de l’Assemblée nationale démocratiquement élue en remplacement du Conseil national de (CNT). Avec les nouveaux élus, nous attendons d’eux l’adoption de nouvelles lois. Avec ces nouvelles lois, le CNC deviendra la Haute autorité de communication. Nous essayons actuellement de travailler à avoir des lois comme celles qui sont appliquées dans les autres pays en matière de presse écrite et audiovisuelle. D’ailleurs, c’est pourquoi nous sommes ici pour nous imprégner de l’expérience burkinabè en matière de lois sur la presse.

Comment appréciez-vous le travail fait chaque jour par la presse guinéenne et quelles sont ses forces et ses faiblesses ?

Kalifa Condé, conseiller au CNC : Depuis 1991, la loi sur la liberté de la presse en Guinée et la loi créant le CNC ont été promulguées. Mais il a fallu attendre 1992 pour que les premiers journaux paraissent et c’est en 2005 que l’audiovisuel privé a été accepté. Il faut reconnaître que certains journaux ont contribué à l’implantation de la démocratie. Malheureusement, d’autres sont venus sur le marché pour ternir l’image de la presse, parce que ces journaux font beaucoup de la diffamation. Ils écrivent des articles qui ne contribuent pas à l’apaisement. C’est avec ces journaux que nous avons beaucoup de difficultés. Tantôt nous les sanctionnons, tantôt nous faisons de la pédagogie en leur expliquant qu’à l’heure actuelle, il ne faut pas créer un climat délétère dans le pays.

Et quelle est la nature des sanctions ?

Kalifa Condé : Il y a trois types de sanctions : la mise en demeure, l’avertissement et la suspension. Il faut reconnaître qu’avant, les forces de défense et de sécurité avaient la main lourde en Guinée. Pour un rien, elles pouvaient arrêter un journaliste et le tabasser ou faire irruption dans une salle de rédaction et fermer le journal. Mais depuis son arrivée, Mme Ilboudo/Condé a changé beaucoup de choses. Elle a, par exemple, convoqué un colloque de trois jours entre les différentes parties pour que de telles pratiques cessent. Depuis ce jour, on a décidé de saisir le CNC qui est devenu un recours. Les dérapages ne manquent pas en l’occurrence les articles sans fondement concernant les détournements de fonds et ceux surfant sur les thèmes ethniques. C’est un vrai problème chez nous. L’autre problème auquel le CNC est confronté est relatif aux émissions interactives. Mais il y a déjà un début d’auto-censure, un début de respect de l’éthique. C’est un combat de longue haleine. L’une des émissions les plus dangereuses actuellement chez nous est « Les grandes gueules » où les citoyens appellent et abordent librement n’importe quel sujet. Là, nous sommes obligés à chaque fois, d’intervenir.

Martine Ilboudo/Condé : Nous tolérons beaucoup de choses actuellement. Si nous allons appliquer la loi dans toute sa rigueur, je crois qu’il n’y aura plus de radios privées. Cela est dû au fait que nous sommes actuellement dans une démarche de réconciliation. Nous essayons d’arriver au point d’achèvement de notre transition. Car, jusqu’à présent, nous sommes toujours en transition. Il y a eu l’élection présidentielle en 2010 et nous travaillons à préparer les élections législatives et municipales dans les mois à venir. Il faut faire preuve de beaucoup de tolérance et ce, à tous les niveaux. Malheureusement, des journalistes veulent profiter de cette situation.

La radio Sabari FM du journaliste Sanou Kerfalla Cissé a été saccagée. C’est une forme d’atteinte à la liberté de la presse et en tant que CNC, qu’avez- vous fait pour que ce dernier puisse rentrer dans ses droits ?

Martine Ilboudo/Condé : On a convoqué une réunion des associations des directeurs de publication de presse, où nous avons tenu un discours de réconciliation et de rappel de certains principes de la déontologie de notre métier et du comportement des journalistes.

Est-ce que cela veut dire qu’il a fauté à ce niveau ?

Martine Ilboudo/Condé : Non, j’en viens. Il était là ; nous avons profité pour fustiger ce qui est arrivé et nous avons lancé un appel aux autorités et aux partis politiques, parce que ce sont les militants de certains partis politiques qui sont allés faire ce boulot suite auquel Kerfalla a été blessé. Chez nous, il faut poser plainte et dans ce cas, il fallait que Kerfalla porte plainte contre X. Nous avons dit, ce jour-là, à cette association qu’elle doit se lever et dire aux partis politiques que ça ne va pas. Je leur ai même dit de faire preuve de solidarité en publiant un communiqué pour dénoncer ces comportements. Jusqu’à présent, le CNC est en train de voir comment le soutenir financièrement pour qu’il puisse remettre en état sa radio. Kerfalla a été la victime de réflexes ethniques.

Kalifa Condé : Je voudrais ajouter à ce que la présidente a dit que dans la dernière subvention de l’Etat, nous avons demandé aux associations de presse de prévoir un montant qui sera alloué à Kerfalla pour les dommages que sa radio a subis.

Pourquoi n’existe t-il pas de radio confessionnelle en Guinée ?

Martine Ilboudo/Condé : Nous avons quand même 95% de musulmans et une minorité de chrétiens et d’animistes. C’est au regard de ce constat que les autorités ont pensé qu’il serait mieux qu’il n’y ait pas de radio confessionnelle.

Comment appréciez-vous le traitement de l’information électorale fait par les médias burkinabè ?

Martine Ilboudo/Condé : Nous, nous sommes agréablement surpris de la maturité des médias dans cette campagne électorale. Nous avons assisté à la conférence de presse de Madame la présidente du CSC (samedi 24 novembre 2012) et nous nous sommes rendu compte que ce sont les médias qui courent après les politiciens pour recueillir leurs messages de campagne alors que ça devrait être le contraire. Si on suit l’émission « Programme croisé » parrainée par le CSC et qui passe sur la télévision nationale, on constate que, quand le CSC invite six partis, il y a finalement 3 ou 4 partis qui répondent favorablement à l’invitation. Je crois que les médias burkinabè font tout pour relayer les messages des partis politiques. Nous avons, par ailleurs, appris que le journal « Le Pays » ne prend pas de subvention pour couvrir les élections afin de garder son indépendance. En tout cas, dans l’ensemble, on félicite les médias burkinabè.

En tant que structure de régulation, comment le CNC prépare-t-il les élections législatives et municipales à venir ?

Martine Ilboudo/Condé : Nous avons eu quelques réunions sur la question et grâce à quelques partenaires, nous avons pu éditer déjà une brochure et un guide des médias pour les élections. Vous savez aussi que la CENI de la Guinée a été mise en place rien que la semaine dernière. Il y a aussi le code électoral. De toute façon, ce n’est pas la première fois que le CNC prépare des élections. Bien sûr que nous n’avons pas la même démarche que le CSC, puisque nous nous sommes rendu compte qu’ici, c’est le CSC qui s’occupe de la production et de la diffusion en passant par la supervision et la régulation. Chez nous, c’est le ministère de la Communication qui s’occupe de la production des messages pendant les élections et le CNC régule. Mais avant ces élections, nous allons mener une campagne de sensibilisation envers les médias pour leur rappeler leur responsabilité sociale afin de préserver la paix. Ces élections se tiendront probablement vers le deuxième trimestre de l’année 2013.

Martine Ilboudo/Condé, présidente du CNC de la Guinée Conakry

« Le Pays » est une référence dans la sous-région »

C’est à 10 heures que la présidente du CNC de la Guinée Conakry, Martine Ilboudo/Condé, a franchi le portail des Editions « Le Pays ». Elle et sa suite (Hortense Zida du CSC) sont reçues par le directeur général des Editions « Le Pays », Beldh’or Cheick Sigué. Mariée à un Burkinabè, Martine Ilboudo/Condé a évoqué ses souvenirs au pays des « Hommes intègres », notamment sa riche carrière de communicatrice avec sa société de communication dénommée « Similus » qui était spécialisée dans le domaine de la publicité et du cinéma. Sur l’objet de sa visite au Burkina, elle dira au DG ceci : « Nous sommes venus nous inspirer de l’expérience du CSC en matière de couverture médiatique de la campagne électorale ». En termes d’expérience acquise, elle a confié avoir pris part à l’enregistrement des émissions parrainées par le CSC et diffusées sur les antennes des médias d’Etat. A cela s’ajoutent la conférence de presse de la présidente du CSC sur le bilan à mi-parcours de la campagne et les tournées dans les différentes rédactions des médias privés. « Nous avons vu que le CSC a beaucoup travaillé et est en train de vulgariser la notion de régulation », a-t-elle souligné. Elle a aussi apprécié positivement le travail de qualité fait par les médias burkinabè au cours de cette campagne électorale. Et la présidente Ilboudo d’ajouter que, quand on vient au Burkina, on apprend toujours « car, c’est un pays qui cherche toujours à aller de l’avant ». De sa longue expérience de communicatrice, elle a conseillé aux partis politiques d’utiliser des supports de communication de mass-médias au détriment de la communication de proximité. Martine Ilboudo/Condé a porté à la connaissance de Beldh’or Cheick Sigué que sa société de communication est née en même temps que les Editions « Le Pays » en 1991, au moment où Béatrice Damiba était ministre de l’Information. Elle a salué le geste du journal « Le Pays » qui a refusé la subvention de l’Etat pour matérialiser son indépendance. Selon la présidente du CNC de la Guinée Conakry, « Le Pays » est un exemple dans ce domaine, exemple qui mérite de faire école. Martine Ilboudo/Condé sera par la suite reçue par le Fondateur des Editions « Le Pays », Boureima Jérémie Sigué. « Le Pays est une référence dans la sous-région pour son professionnalisme », a-t-elle confié. A son ami Sigué, elle a avoué ceci : « Votre grande expérience professionnelle et celle de votre journal pourraient être utiles à mon pays où la presse est en pleine reconstruction ». Le Fondateur s’est dit doublement heureux de retrouver une amie de longue date et de recevoir une consœur devenue aujourd’hui présidente du CNC de la Guinée Conakry.

Dans le livre d’or

« La délégation du Conseil national de la communication (CNC) de la Guinée Conakry est très heureuse et très fière d’avoir eu le privilège de visiter le quotidien « Le Pays ». C’est un organe qui se fait remarquer par son professionnalisme et sa stabilité depuis 21 ans au Burkina et dans le monde entier. Nous lui souhaitons longue vie et beaucoup de succès ainsi qu’à sa direction, son personnel et surtout à mon ami Sigué, son Fondateur ».

Ouagadougou, le 27 novembre 2012

Kalifa Condé

Martine Ilboudo/Condé, Présidente du CNC de la Guinée Conakry

Ambèternifa Crépin SOMDA
Source:Les Editions du Pays(Burkina Faso)

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