Guinée : le satrape de Guéckédou

Nom : Alpha Condé ; profession : chef de l’Etat guinéen depuis deux bonnes années ; caractéristique : dirige l’Exécutif de son pays sans une assemblée législative élue. De report en report, ledit scrutin ressemblait de plus en plus à la fameuse arlésienne de Daudet. Et la chose finissait par irriter les uns et les autres… Fort providentiellement, une date vient d’être trouvée pour la tenue de ces fameuses élections législatives. C’est le président de la commission électorale indépendante, Bakary Fofana, qui en a dévoilé la primeur : c’est le 12 mai 2013 qui a été retenu.

Mais alors qu’on s’attendait à ce que pareille trouvaille réjouisse les Guinéens, langoureux d’un scrutin plusieurs fois annoncé et autant de fois reporté, fait curieux, l’annonce fait presque l’unanimité contre elle.

L’opposition fait grief au motif qu’elle n’a pas été consultée tandis que le parti au pouvoir ne cache pas sa méfiance quant à la fiabilité du fichier électoral.

Alors, questions. Primo : s'il s’avère que la date a été adoptée sans l’avis de cette partie de la société guinéenne que représente l’opposition, à tout le moins, la chose relève d’un manque de délicatesse avéré. A moins que, quelque part, on ait décidé qu’ils ne représentaient que du menu fretin dont l’avis, en pareille circonstance, ne revêt que peu d’importance. Grave erreur.

Secundo : le parti au pouvoir se méfie du fichier électoral ; la chose est on ne peut plus curieuse ; en règle générale, sur le continent noir, ce sont les partis d’opposition qui suspectent les hommes du palais de tripatouiller ledit fichier ; étant au pouvoir, ils ont la mainmise sur tout et tous, les machines et les hommes, et contorsionner le contenu d’une liste leur est aussi aisé qu’un jeu d’enfant.

Tertio : au regard de cet imbroglio à l’intérieur duquel personne ne se reconnaît vraiment, cette commission électorale chapeautée par Fofana, devant qui répond-elle au fond ? La chose la plus curieuse serait qu’elle ne tienne pas ses ordres de Condé himself.

Et alors, on est en droit de se demander si le professeur président ne crée pas délibérément ce tohu-bohu, histoire de perpétuer un statu quo qui, de toute évidence, l’arrange. Car, à l’allure où vont les choses, le professeur risque d’épuiser son premier mandat sans avoir face à lui une assemblée de députés élus. Et lorsqu’on sait que l’homme a un penchant pour l’absence de réplique et de personnalité forte en face qui puisse lui porter ombrage, on comprend aussitôt que le sur-place concocté sert proprement ses ambitions.

Mais alors, la Guinée dans toute cette histoire ? Lorsqu’on se rend compte que les dernières législatives dans ce pays remontent à juin… 2002, sous l’ère Conté, on se dit qu’on était vraiment en droit de s’attendre à mieux. Dommage, car il semble que le professeur président, à défaut de pouvoir mettre une assemblée de députés élus sous sa coupe, préfère même que ladite assemblée ne voie pas le jour. A l’image des satrapes de l’ère ancienne, il lui sera alors loisible de se faire obéir au doigt et à l’œil, car ce n’est pas l’actuel CNT qui sera en mesure d’entraver l’aboutissement de la moindre de ses volontés.

A vrai dire, on attendait mieux d’Alpha Condé. Et au regard des faits, on se convainc davantage que les érudits ne font pas forcément de bons dirigeants ; pas plus que les opposants à vie ne constituent des chefs d’Etat clairvoyants ; malheureusement, lui, Condé, cumule les deux ; et c’est fort dommage pour la Guinée.



Jean Claude Kongo

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