La Guinée sur le chemin du syndrome malien du fait de la mauvaise gouvernance. Par Bah Oury

La fin de l'année 2012 coïncide avec le second anniversaire de l'installation au pouvoir de M. Alpha Condé. A l'aune de deux années d'exercice du pouvoir, il est loisible dresser un bilan reflétant la gouvernance actuelle sans pour autant l'édulcorer avec le poids de l'héritage de ses prédécesseurs.

La misère s’amplifie et se développe dans les foyers des guinéens, la cohésion nationale s’effrite dangereusement, les institutions du pays ne fonctionnent pas conformément aux principes de l’Etat de droit et la sécurité des populations civiles est d’une préoccupante précarité. Telles sont les réalités que subissent l’écrasante majorité des guinéens. Deux années de gouvernance d’Alpha Condé n’ont pas permis de stopper le marasme social et politique qui désagrège la société guinéenne. Tout au contraire elles ont accru les problèmes de la Guinée.

Le procès de Mohamed Conté dit « Souka » à la cour d’assises de Conakry le mois dernier est révélateur de l’abîme dans laquelle la mauvaise gouvernance de plus d’une décennie a plongé la Guinée. Souka accuse publiquement des dignitaires du régime d’Alpha Condé d’être liés à la grande criminalité qui selon lui instrumentalisent la grande criminalité en Guinée. Le Colonel Amadou Bangoura Directeur adjoint des opérations de la police, le Commandant Resco gouverneur de Conakry, le Commandant de l’escadron mobile de Matoto, et même l’ex-ministre de la Sécurité le Général Toto sont cités sans hésitation. Cette accusation doit être élucidée pour que la Guinée ne soit pas prise en otage par des intérêts politico-mafieux. Toutefois, seule une enquête libre, transnationale et indépendante permettra de clarifier cette troublante affaire. Pour se disculper et laver leur honneur les personnes citées devraient elles –mêmes prendre le devant en s’expliquant devant le peuple guinéen.

Ce contexte délétère aggravé par les détentions, les exécutions extrajudiciaires et le recours systématique à la torture pour extorquer aux accusés des aveux préfabriqués que révèlent les procès de la cour d’assises de Conakry est un pas de plus vers le chaos. L’assassinat de Mme Boiro, directrice nationale du trésor est une conséquence de la collision entre les groupes détenteurs du pouvoir politique et des intérêts criminels et maffieux. En effet la criminalisation de la sphère dirigeante du pays, les tensions ethnocentriques dans le pays, le développement de la misère et la déliquescence des institutions sont les caractéristiques de l’Etat failli. Cette réalité a été celle du Mali d’ATT. Par conséquent les guinéens doivent prendre conscience du danger qui guette la Guinée avant qu’il ne soit tard.

Une politique minière marquée par l’affairisme

L’atteinte du point d’achèvement des pays pauvres très endettés par la Guinée le 26 septembre dernier et la signature récente de la convention du 10éme Fed avec l’Union Européenne sont des adjuvants importants pour une véritable politique de redressement national. Toutefois les handicaps structurels pour orienter l’action publique vers le développement sont légions. Du fait des choix irrationnels marqués par l’ethno-stratégie et une pratique totalitaire de la gestion du pays, les compétences sont chassées ou marginalisées de l’administration publique. De ce fait les autorités guinéennes auront de la peine à exploiter les aides extérieures car la capacité d’absorption de la Guinée est très faible. Ce qui peut se faire en une semaine au Sénégal nécessite des mois en Guinée pour aboutir au même résultat, à cause des inerties, de l’incompétence et de la corruption qui caractérisent nos administrations. Les projets miniers en sont un triste exemple. L’opacité, l’abandon des intérêts nationaux au profit de clans mafieux qui vampirisent nos ressources et l’incohérence des décisions gouvernementales transforment la politique minière en « un pas en avant, deux pas en arrière ». L’absence de lisibilité et de visibilité des orientations gouvernementales obligent les investisseurs sérieux à marquer le pas en se cantonnant dans le « wait and see ». L’immobilisation des ressources du pays et la mauvaise répartition des revenus générés par celles qui sont exploitées rendent plus révoltantes la misère et la pauvreté qui écrasent et qui avilissent une large majorité de nos compatriotes.

Les deux années de gestion du pouvoir par Alpha Condé ont montré ses limites et indiquent qu’il n’est pas en mesure de redresser le pays, de réconcilier les guinéens et d’organiser des élections crédibles afin de mettre en place des institutions démocratiques solides et durables . L’avenir est incertain et dans ce contexte, la paix civile en Guinée est menacée. Le pire peut encore être évité à condition que les guinéens dépassent les clivages artificiels qui les divisent et mettent ensemble leurs intelligences, leurs énergies et l’amour du pays pour jeter les bases d’un véritable sursaut patriotique. L’année 2013 sera consacrée à la définition et à l’organisation du pacte national qui sera l’alternative démocratique face à la dérive dictatoriale de la gouvernance d’Alpha Condé.

Que Dieu sauve la Guinée ! A vous et à vos proches ! Bonne et heureuse année 2013.

Le 21 janvier 2013

BAH Oury
1er Vice- Président de l’UFDG

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