Un chronogramme illégal

Ce texte pour montrer qu'Alpha Condé dépasse les bornes, puisqu'il justifie l'injustifiable en convoquant les électeurs pour le 30 juin. Avant d'indiquer dans un autre texte (qui pourrait s'appeler « Alpha Condé, y en a marre »), ce que pourrait faire l'opposition, il convient ici d'examiner le chronogramme d'Alpha Condé, qui veut une fois de plus escroquer les Guinéens.


Au sujet du communiqué d'Alpha Condé du 15 avril 2013

Alpha Condé a fait une mise au point sur la tenue du scrutin qui devrait mettre fin à la transition en Guinée, après un fameux décret – encore illégal – convoquant le corps électoral pour le 30 juin prochain.

Comme l'indique le communiqué (les phrases en italiques sont d'Alpha Condé ou de son porte-parole), Alpha Condé : « s'est rassuré que toutes les conditions techniques de préparation étaient réunies du côté de la CENI ». Cela signifie donc :

la finalisation du transfert de la totalité des données alfa-numériques et bio-numériques de la société SAGEM vers le nouvel opérateur de la révision des listes électorales, Waymark. Cela signifie concrètement que la CENI lui a indiqué que la machine à frauder était opérationnelle, car personne – en dehors d'un expert belge lié à Bakary Fofana, donc suspect – n'a vérifié sur les machines qu'il en était ainsi. Demander au tricheur si tout va bien ne peut qu'amener une seule réponse. Le communiqué rappelle que le PRG « avait demandé dans ce cadre la collaboration de l'UE, de l'OIF et du PNUD », mais il omet de préciser que les deux organismes internationaux (OIF et PNUD) ont contesté la fiabilité de Waymark, seul l'individu non mandaté par l'UE*, affirmant que tout allait bien.
« la transparence et le partage de l'information entre la CENI et tous les acteurs électoraux, singulièrement les partis politiques participant aux élections, et les partenaires techniques et financiers ». Il suffit de lire les déclarations d'une partie des membres de la CENI, voire des partis politiques pour comprendre qu'Alpha Condé prend ses désirs pour des réalités.
« le déroulement dans les meilleurs délais d'une révision exceptionnelle de la liste électorale sur toute l'étendue du territoire national ». Bizarrement le fait que la CENI stoppe ou recommence une révision, en toute indépendance ??? en fonction des desiderata du gouvernement ne l'émeut guère ; et pour cause, c'est tout ce qu'il souhaite.
« le respect rigoureux des dispositions légales régissant l'organisation des élections dans notre pays. Ces dispositions sont contenues dans la Loi organique portant Code électoral ». Là encore Alpha Condé prouve son incompétence notoire en matière juridique (voir ci-après), ce qui obligera l'opposition à faire un recours auprès de la Cour Suprême pour faire constater la violation de la loi.

On savait que les promesses d'Alpha Condé n'engagent que ceux qui les écoutent. On en a une fois de plus l'illustration parfaite, lorsqu'il déclare que « toutes ces préoccupations sont aujourd'hui satisfaites ». On se demande même pourquoi l'opposition organise des marches pacifiques !!!

Albert Damantang Camara, tout aussi fieffé menteur, indique que «… le gouvernement a tenu à ce que la sécurisation du scrutin soit désormais garantie par les experts de l'UE qui ont notamment pris acte du fait que toutes les recommandations contenues dans le rapport de l'OIF ont été prises en compte par la CENI ». D'abord il n'existe pas d'experts de l'UE, mais un individu – en l'occurrence Alex Gysel – qui collabore parfois avec l'UE, mais appelé par le gouvernement pour contredire les experts internationaux. Ce qui compte n'est pas de trouver des experts internationaux qui corroborent la non-fiabilité de Waymark, mais un individu qui pourrait aller dans le sens du gouvernement.

Il ajoute que la CENI « a pris des mesures de contrôle permettant à des tiers indépendants de suivre le processus d'enrôlement dont, entre autres, la mise en place du logiciel de monitoring des opérations de révision au niveau du site central, l'exécution, par une tierce partie, du dé doublonnage multi-biométriques ». Non seulement les notions d'indépendance et de tierce partie ne sont pas définies, mais on sait ce que valent ces concepts dans un pays totalitaire voulu par Alpha Condé. L'indépendance de la CENI qui réagit en fonction des instructions données par le gouvernement, en constitue une parfaite illustration.

Par ailleurs un logiciel de monitoring, s'il permet en théorie de permettre le contrôle du ou des serveurs, n'interdit nullement d'effacer le journal de surveillances (c'est-à-dire les rapports qui relatent toutes les actions entreprises sur les serveurs). Dès lors la surveillance n'est que purement théorique. Combien y a t-il de serveurs ? Le logiciel surveille-t-il tous les serveurs ou seulement celui qui ne pose pas de problème ? Est-il installé réellement, ou est-ce de la poudre aux yeux pour rassurer les sceptiques ? D'autre part, quand bien même les fichiers log ne seraient pas effacés, qui est habilité à contrôler ce logiciel, et donc empêcher de remettre éventuellement en cause les résultats législatifs ?

Quand Alpha Condé déclare que, selon le rapport d'un individu privé (dont la parole est donc supérieure à l'expertise de deux organisations internationales), « toutes les recommandations techniques de l'OIF et du PNUD ont été réglées » et que « la sécurité d'accès aux kits a été portée à un niveau sans précédent ». Si quelqu'un peut m'expliquer concrètement ce que cela signifie, par rapport aux recommandations du PNUD et de l'OIF, je suis preneur.

Alpha Condé n'a même pas honte de rappeler qu'il a consenti à respecter la loi, lorsqu'il dit que « le gouvernement qui souhaitait un recensement électoral... a finalement accepté une simple révision ». Autrement dit, le gouvernement qui voulait violer la loi, a décidé de ne pas le faire... sur ce point. Faudrait-il en plus l'en remercier ?


Un chronogramme conforme aux textes

Nous allons montrer ici qu'une fois de plus qu'Alpha Condé viole encore la constitution, ce qui oblige l'opposition à saisir la Cour suprême, par principe, quand bien même cette dernière prouverait son incompétence en validant le chronogramme d'Alpha Condé.

Sitôt le décret de convocation des électeurs pris, la CENI a décidé de reprendre la révision électorale, qui devrait se terminer le 12 mai 2013. À la lecture des articles du Code électoral, il est impossible d'organiser des élections au 30 juin 2013, si l'on respecte les textes, ce que doit respecter non seulement la CENI, qui est un organisme chargé de faire respecter la loi (sic), mais également le PRG, qui doit en être le garant (re-sic). C'est pourquoi l'opposition doit rester ferme et inflexible sur le plan juridique, et saisir immédiatement en référé la Cour suprême, en vue de faire annuler le décret pour violation de la loi.

En admettant que la véritable révision commence le 15 avril 2013, il fallait afficher l'annonce du début et de fin de cette révision le 1er avril, soit 15 jours avant le début des opérations, afin que les différentes personnes intéressées (les jeunes notamment) soient informées (article 17 du Code électoral). Le même article précise que 15 jours avant la fin de la révision (soit le 28 Avril), il faudra afficher la date de clôture de la révision.

Attention, les déclarations radio ou télédiffusées ne suffisent pas, car chacun doit pouvoir vérifier visuellement s'il est inscrit ou pas sur la liste. Concrètement le pré-affichage n'est pas prévu par le Code électoral. Ces dates ont-elles été fixées clairement de façon à ce que le corps électoral soit informé ?

À partir du 12 mai (date de fin de la révision), il est élaboré un tableau rectificatif qui doit porter toutes les mentions d’identité qui doivent figurer sur la liste électorale ainsi que les motifs de l’inscription ou de la radiation (article 21 du Code électoral). Concrètement il faut indiquer les motifs d'inscription des électeurs nouvellement inscrits (par exemple les supposés 500 000 nouveaux électeurs de Haute Guinée, dont il faudra vérifier la réalité), ainsi que les motifs de la radiation des électeurs radiés.

Dès lors dès le 13 mai, il faut faire connaître à la population par affiche apposée aux lieux habituels, qu'elle dispose d'un délai de 15 jours après la publication du tableau (8 jours en cas de révision exceptionnelle, article 14 du Code électoral) pour faire des réclamations. Il faut adresser au président de la CENI, dans les deux jours qui suivent, une copie du tableau rectificatif et un exemplaire du procès- verbal de dépôt (article 22 du Code électoral).

À l'issue du délai de 8 jours (soit à partir du 21 mai), le tribunal de première instance (TPI) dispose de 10 jours (jusqu'au 31 mai) pour rendre sa décision, qu'il doit faire connaître au justiciable dans les 3 jours (jusqu'au 3 juin) en cas d'erreur et/ou d'oubli par exemple (article 26 du Code électoral). Il faudra ensuite un peu de temps (une semaine est un strict minimum) pour que la CENI récupère les décisions définitives de tous les tribunaux du pays et les publie, en ajoutant ceux qui sont morts depuis le 12 mai (date de publication du tableau rectificatif), et ceux qui auraient été privés du droit de vote par un jugement devenu définitif (article 28 du Code électoral), ce qui deviendra la liste électorale définitive de l'année en cours (au 10 juin). La liste électorale définitive sera déposée dans toutes les circonscriptions locales, et pourra être communiquée à tout requérant (les partis politiques par exemple), qui en fera la demande.

Lorsqu'il est constaté qu'un électeur est inscrit par erreur sur plus d'une liste (doublon), son inscription est maintenue sur la liste de sa dernière demande d’inscription ou à défaut sur la liste de son choix. Sa radiation des autres listes a lieu d’office. Lorsqu’un même électeur est inscrit par erreur plus d’une fois sur la même liste, il ne doit subsister qu’une seule inscription (article 32 du Code électoral).

Toute date appelant les partis politiques à choisir leurs candidats n'est donc pas valide, puisque la clôture de la liste électorale ne sera effective qu'au 10 juin au plus tôt. En effet, comme nous venons de le voir, ce n'est qu'à ce moment là – après épuisement des délais de recours, pourrait-on dire –, lorsque la liste électorale sera définitive et publique, que le PRG devra convoquer les électeurs, soit dès le 10 juin pour une consultation électorale au 18 août 2013. Les partis politiques ne pourront présenter leurs listes de candidats aux législatives que dès la convocation des électeurs à partir du 10 juin (et non pas avant). C'est d'ailleurs lorsque la liste sera définitive, que l'ouverture de la campagne électorale sera effective et annoncée pendant cette période, au moins un mois avant la date du vote (soit le 22 juillet).

En définitive, pour un vote le 30 juin 2013, il aurait fallu que la liste électorale révisée par la CENI (et non une pré-liste) le soit au plus tard au 25 mars, afin que les électeurs puissent recourir devant les tribunaux en cas d'erreur ou d'omission. Les partis politiques n'ayant pas obtenu cette liste électorale définitive, puisque la révision est actuellement en cours, ils sont fondés à exercer un recours devant la Cour suprême, pour contester la validité du chronogramme, que la CENI est pourtant censée faire respecter.

L'opposition peut donc et doit exercer un recours en référé pour excès de pouvoir devant la Cour suprême (articles 31 et 102 de la loi organique n°91/008/CTRN du 23 décembre 1991 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Cour suprême), pour que cette dernière constate la violation de la loi par le PRG, dans son décret de convocation des électeurs au 30 juin 2013. La Cour suprême peut même soulever d'office toute violation de la Constitution, même si cela n'a pas été demandé, et doit se prononcer dans les 15 jours à compter du dépôt du recours (article 47 de la loi précitée). En outre les articles 78 et 103 de ladite loi permettent de surseoir à l'exécution du texte incriminé.


Le chronogramme d'Alpha Condé

Contrairement au chronogramme normal ci-dessus indiqué, Alpha Condé a considéré que toutes les formalités qui restent à faire, pouvaient l'être dans les fameux 70 jours, délai nécessaire et obligatoire à la convocation des électeurs (article 62 du Code électoral). Nous allons montrer que cela n'est pas possible, sauf à violer les textes, car si les formalités ci-dessus évoquées sont respectées, et il n'y a aucune raison qu'elles ne le soient pas (puisque les textes sont clairs), des élections au 30 juin ne peuvent avoir lieu.

Reprenons-les de façon synthétique :

la révision électorale (avec obligation d'information des électeurs) reprend le 15 Avril jusqu'au 12 mai 2013.
élaboration du tableau rectificatif dès le 13 mai, avec un délai de 8 jours pour faire des réclamations.
à partir du 21 mai, le tribunal de première instance dispose de 10 jours (jusqu'au 31 mai) pour rendre sa décision, qu'il doit faire connaître au justiciable dans les 3 jours (jusqu'au 3 juin). Il faudra ensuite au moins une semaine pour que la CENI récupère les décisions définitives de tous les tribunaux et les publie, ce qui deviendra la liste électorale définitive de l'année en cours (au 10 juin).

Ce n'est donc qu'à partir du 10 juin, que les partis politiques ne pourront présenter leurs listes de candidats aux législatives (et non pas avant). En effet, selon l'article 137 du Code électoral, « tout citoyen qui a la qualité d’électeur peut être élu à l’Assemblée nationale s’il est présenté par un parti politique légalement constitué et conformément aux lois et règlements en vigueur ». Mais pour avoir la qualité d'électeur (et donc être éventuellement éligible), encore faut-il être inscrit sur la liste électorale... définitive. En outre l'article 134 du Code électoral précise que : « après la date limite de dépôt des listes nationales [60 jours au moins avant la date du scrutin (donc au 28 Avril), selon l'article 156 du Code électoral], aucune substitution, aucun retrait de candidature, aucune permutation dans l’ordre des candidats sur une liste n’est admise ».

Or l'ouverture de la campagne électorale doit être effective et annoncée, au moins un mois avant la date du vote (soit le 2 juin). Un candidat non encore qualifié au 2 juin aurait effectivement toutes ses chances de … perdre.

Autre problème : un candidat déclaré le 10 juin devrait effectuer certaines formalités (articles 153 à 155 du Code électoral) qui, si elles ne sont pas respectées, obligent le président de la CENI à notifier l'inéligibilité d'un candidat dans les 7 jours (soit au 17 juin maximum), qui suivent le dépôt de cette candidature, ce qui octroie 3 jours au candidat (jusqu'au 20 juin), pour attaquer la décision de rejet devant la Cour suprême qui statue dans les 7 jours de sa saisine (jusqu'au 27 juin). Évidemment à cette date, le candidat pourrait commencer sa campagne électorale... pour des élections... 3 jours après !!!

C'est pourquoi l'article 158 du Code électoral, qui précise que les candidatures annoncées deux mois avant la date du scrutin (article 134 du Code électoral), ne le sont finalement de manière définitive que 39 jours avant (il faut en effet ajouter deux fois deux jours, pour d'autres contestations éventuelles).

Autrement dit, l'opposition serait bien inspirée de contester la violation de la loi, et par le PRG et par la CENI, dont on rappelle qu'elle est pourtant censée faire respecter la loi... aux partis politiques.


Que doit faire l'opposition dans l'immédiat ?

J'écrirai un papier plus approfondi sur cette problématique (sachant qu'il peut être également question d'un changement de régime), me contentant ici d'axer l'essentiel sur l'attitude de l'opposition par rapport aux élections.

Dans un premier temps, il faut refuser officiellement le dialogue avec le facilitateur international Saïd Djinnit, puisqu'il n'a plus de raison d'être : de quoi discuter ? Le dialogue ne consiste pas à s'asseoir les uns en face des autres, pour aller raconter ensuite, que les échanges ont été fructueux. On se rappelle la convocation par le PM actuel Saïd Fofana, des 3 ex-PM de l'opposition, qui s'est terminée en un compte-rendu gouvernemental indiquant que le PM avait accepté l'audience demandée par ces derniers !!!

Ensuite l'opposition doit faire des conférences de presse, pour expliquer sa position, et notamment le fait que les contrôles à la CENI n'ont pas été faits, le gouvernement se contentant – comme d'habitude - de parler pour dire que tout est OK (ce qui est dit est fait ???), mais personne n'a vérifié quoi que ce soit. Accessoirement il faut rappeler le Code électoral ayant justifié un recours à la Cour Suprême.

Enfin, il est nécessaire et urgent de mettre à plat la position des partis politiques par rapport à la suite des événements, eu égard à la gouvernance d'Alpha Condé et son bilan catastrophique dans tous les domaines. Les partis politiques doivent annoncer publiquement leur attachement ou non au départ d'Alpha Condé, ce qui suppose qu'il faut avoir discuté de la suite, et notamment d'un gouvernement d'union nationale de transition.


Gandhi
Citoyen guinéen


« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).


* Alex Gysel, un simple individu privé (dont on connaît les liens étroits avec Élisabeth Cotet, patronne de l'IFES, et « amie » de Bakary Fofana, président de la CENI), donc sujet à toutes les tentations, remet en cause des contrôles sur place de deux organismes internationaux (PNUD et OIF). Personne ne vérifie ce qu'il fait, et il faudrait le croire sur parole.

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