Alpha Condé reconnaît enfin sa fraude

Dans une interview de François Soudan publiée dans le Jeune Afrique n°2736 du 16 au 22 juin 2013, et intitulée « la Guinée est un scandale », Alpha Condé, fidèle à ses habitudes déverse une nouvelle fois, sa mauvaise foi et ses mensonges, qui désormais ne convainquent que lui-même.

François Soudan en profite pour se mettre au diapason de la mauvaise foi de son obligé, en osant affirmer que la Guinée est devenue synonyme depuis novembre 2010 de : « rigueur budgétaire et financière, justice, droits de l'homme, lutte contre la corruption, réforme de l'armée ». Nous aurons l'occasion de revenir sur chaque point de cette conclusion hâtive et malhonnête.

François Soudan ajoute que : « vus de Conakry, les risques de déstabilisation, voire de guerre civile souvent évoqués à l'étranger apparaissent comme des exagérations délibérées ». Il aurait du remplacer l'expression « vus de Conakry » par « du point de vue de ce régime ».

Il termine en ajoutant qu'Alpha Condé est un « ancien combattant de la démocratie ». Je préfère considérer le terme ancien, comme étant la définition de quelque chose qui n'existe plus... depuis 2010, si tant est qu'Alpha Condé ait posé personnellement un seul acte concret, pour implanter la démocratie en Guinée.

Son interview balaye différents aspects de la vie sociopolitique guinéenne : droits de l'homme, élections, résultats économiques, ethnocentrisme, et mines (les expressions en italiques sont les siennes).

Droits de l'homme

« Je suis viscéralement un démocrate, même si certains ont tendance à en profiter pour me nuire ». Il suffit de relire son bilan désastreux pour se convaincre du contraire. Rappelons simplement que sous son mandat, des citoyens guinéens (près de 70) ont été tués ou assassinés, sans qu'une seule enquête n'ait abouti, cependant que des dégâts matériels occasionnés sur sa villa (par qui ?) ont entraîné l'arrestation d'une quarantaine de personnes (dont certaines sont mortes en prison ou peu après leur sortie) toujours emprisonnées – depuis près de 2 ans –. Quant à la capacité de nuisance des opposants, qu'Alpha Condé se rassure, il est encore plus brillant pour le faire lui-même (voir ci-après).

En indiquant que les « marches [de l'opposition] n'ont touché que deux quartiers de Conakry, le reste de la capitale et du pays est calme », Alpha Condé oublie de préciser que c'est lui-même qui confine à dessein dans les quartiers qu'il cible, le lieu des manifestations.

En bon RPGiste qu'il est (il est toujours le président du RPG au mépris de la Constitution et de la morale, mais la morale n'est pas poursuivie pénalement), il inverse les rôles. Ce sont les gendarmes et les policiers qui sont armés, mais ce seraient les manifestants – dont une cinquantaine ont été tués et/ou assassinés depuis avril 2011 –, qui seraient dangereux, la meilleure preuve dit-il, vient du fait que : « la police a trouvé lors de perquisitions dans le quartier de Bambéto des fusils de chasse, des cartouches, des grenades offensives et même une kalachnikov cachée sous un toit ». C'est sans doute parce qu'on a trouvé un fusil de chasse chez un individu que 50 manifestants ont été tués à balles réelles (sic !!!).

Évidemment j'apprends à l'occasion de cet entretien que : « des individus mal intentionnés venus de Guinée-Bissau ont été arrêtés avec des munitions ». Quel est le lien, avec les meurtres de manifestants ?

« Tout le monde sait [dit-il], que certains marcheurs utilisent des frondes et des armes blanches contre les forces de l'ordre. Ils le font de nuit, en général après la fin des manifestations ». On sait au contraire, les enquêtes d'Amnesty International, de la FIDH et de HRW en font foi, que ce sont justement les forces de sécurité qui investissent les quartiers, y compris la nuit, pour procéder à des exactions. D'ailleurs à peine un tiers des fameux manifestants ont été tués, non pas à l'occasion des marches, mais les lendemain et surlendemain. Sans doute se suicident-ils (à l'arme blanche ?), puisque ce sont aux qui meurent.

En indiquant qu'il « s'interdit, par principe et parce que la Guinée a changé, de faire sortir l'armée de ses casernes, contrairement à mes prédécesseurs, ce n'est pas pour la remplacer par des milices. Le maintien de l'ordre est l'affaire exclusive de policiers et de gendarmes », il oublie deux choses. D'une part la gendarmerie dépend du ministère de la Défense nationale et d'autre part, le ministre de la Défense n'est autre qu'Alpha Condé lui-même. CQFD. Il rendra compte de ces crimes.

Alpha Condé « conteste formellement et ce chiffre [50 manifestants morts] et cette accusation. Allez dans les hôpitaux interroger les médecins et vous serez surpris ». Là encore, il oublie de rappeler qu'à l'occasion d'événements précédents en Guinée, certains corps ont disparu, voire ont été volés dans les hôpitaux ou les morgues. Une fois, on a même remplacé un médecin, parce que son discours n'était pas politiquement correct, ne se conformant pas à la seule vérité officielle.

Lorsque François Soudan lui rappelle et lui demande pourquoi les morts « étaient tous de l'ethnie peule », il lui tend une perche en lui permettant de répondre : « faux », puisque ce n'était pas 100%, mais plus de 90%.

Alpha Condé affirme que lorsque « des grands bandits se font abattre par la brigade anti-criminalité lors d'un braquage, ne les confondez pas avec des militants politiques, même si certains utilisent sans pudeur leur origine pour gonfler leurs statistiques ». Premièrement à aucun moment, lorsque l'opposition a dénombré des morts après des manifestations, la police ne s'est réjouie d'avoir éliminé des bandits de grand chemin. Parle-t-on de la même chose ? Deuxièmement, de quoi parle Alpha Condé lorsqu'il parle de statistiques ? Lorsqu'Alpha Condé tue, ce sont des citoyens guinéens, et cela devrait suffire à entraîner sa compassion...

« L'armée guinéenne est désormais une armée républicaine ». La gendarmerie sous l'autorité de son ministre de la Défense (Alpha Condé lui-même) tue impunément. C'est ça la définition d'une armée républicaine !!!

« Je suis contre l'impunité et contre les chefs d'État qui écrasent leur peuple ». On s'en souviendra.

« Il n'y a jamais eu d'exécutions extrajudiciaires sous ma présidence ». Zogota, c'est quoi ? Quant à Aïssatou Boiro, et ceux qui sont morts en prison, on ne peut pas parler d'exécutions sommaires, mais on est en droit de se poser des questions... que ce régime ne se pose même pas. Qu'on se rappelle le scandale de corps volés à la famille (colonel Issiaga Camara par exemple), qu'elle n'a pas pu récupérer pour pratiquer une autopsie... sans doute gênante pour le pouvoir.

Élections : Alpha Condé reconnaît sa fraude

Alpha Condé ne comprend pas pourquoi l'opposition refusait d'aller aux élections, puisque dit-il, « l'UE, l'ONU, l'OIF, les chancelleries, tout le monde est d'accord sur le fait que des garanties solides d'équité sont là, incontournables ».

Il ajoute : « quant à la prétendue partialité de Waymark, il faut croire que l'ONU, l'OIF et l'UE, qui a imposé avec mon accord sa propre structure de monitoring pour contrôler le travail de cet opérateur, sont sourdes, muettes et aveugles. Aucune ne remet en cause le choix de cette société ». Je l'invite à relire de nombreux textes qui indiquent qu'il n'en était rien, un seul individu privé prétendait dénier les conclusions d'audit de deux organismes internationaux (PNUD et OIF), qui indiquaient les possibilités de fraude. D'ailleurs, cette interview ayant été réalisée avant le 14 juin, les experts de l'UE ont depuis dénoncé ce manque de transparence.

Par ailleurs ce n'est pas Waymark en tant que telle qui pose problème, mais le fait que cette entreprise ne soit pas fiable concernant l'enrôlement et la centralisation des résultats. En considérant que l'enrôlement soit enfin sécurisé, cela ne l'a été qu'après la confection d'un nouveau fichier électoral, ayant permis l'inclusion de près de 1,5 million électeurs dont une majorité de Haute Guinée. Même avec un fichier sécurisé, si le fichier électoral comprend un nombre d'électeurs fantômes, il est facile d'imaginer le résultat.

D'ailleurs, Alpha Condé affirme que : « ce n'est pas lui qui l'a introduit en juin 2010 puisqu'il n'était pas aux affaires, mais... Ben Sékou Sylla … Waymark a ensuite participé à la sécurisation informatique du second tour de la présidentielle, et j'ai conservé cet opérateur, qui avait correctement travaillé, pour procéder à l'indispensable révision du fichier en vue des législatives ». Là encore il oublie de préciser que le premier président de la CENI était malade (il est décédé 3 mois plus tard, en septembre 2010), et qu'il faisait la navette entre la France et la Guinée, de sorte que c'est Lousény Camara, le vice-président, qui dirigeait quasiment de fait la CENI à cette époque.

Mais surtout Alpha Condé confirme qu'après le premier tour sécurisé par la Sagem, il a réussi à changer d'opérateur électoral (et donc de fichier) – ce qu'il avoue enfin officiellement –, alors que ce n'était juridiquement et techniquement pas possible. Même le général malien Siaka Toumani Sangaré avait refusé. Il confirme donc indirectement – ce que beaucoup de monde sait, mais que ses fans continuent pourtant à dénier –, que les ordinateurs volés à la CENI – pourtant dans l'un des endroits les plus sécurisés de Guinée !!! – ont permis la mascarade du résultat des élections au second tour. Espérons que son obsession à essayer de se trouver une légitimité qu'il ne possède pas, devient plus explicite aux yeux des Guinéens. On comprend également pourquoi il tient à conserver « un opérateur, qui avait correctement travaillé ».

Par la suite, même si c'est l'opposition qui a sollicité le remplacement du président de la CENI de l'époque (Lousény Camara), Alpha Condé prend ses désirs pour des réalités, lorsqu'il affirme qu'il l'a accepté (en septembre 2012), étant donné que le mandat expirait en octobre 2012. Il en a plutôt profité pour imposer son candidat, tout en modifiant la loi, en la vendant comme une acceptation à la démission de Lousény Camara.

Quant aux représentants de la société civile au sein de la CENI, il n'y a aucune insulte à leur égard, d'affirmer qu'ils sont inféodés à ce régime. Alpha Condé ayant « infiltré » tous les organismes existant en Guinée, tel un parti-État totalitaire, seule la CNTG après de longues luttes internes téléguidées par le pouvoir, ayant relativement résisté.

Lorsque François Soudan demande à Alpha Condé pourquoi les Guinéens de la diaspora seraient exclus du scrutin législatif, Alpha Condé ose répondre que c'est la CENI qui doit décider s'ils doivent participer, preuve qu'il n'a même pas lu la Constitution, un comble pour quelqu'un qui est censé la défendre.

De même, lorsque ce même François Soudan rappelle à Alpha Condé que les fonds de l'UE attendent les élections législatives pour venir en Guinée, Alpha Condé rappelle banalement que « si quelqu'un a intérêt à ce que les élections se tiennent le plus vite possible, c'est bien moi ». Comme on le comprend, dans la mesure où tout l'argent qui rentre en Guinée, la plupart des Guinéens en entendent parfois parler, mais n'en voient pas la couleur.

Lorsqu'il ose prétendre que ses « adversaires font tout pour les retarder [les élections], quitte à pénaliser les Guinéens », il oublie d'évoquer le devenir des 700 millions de Rio Tinto, des 150 millions angolais, des 50 millions congolais, des 25 millions de Palladino, des 15 millions d'Areeba, des 150 millions de la CIF (pour l'essentiel en nature), et des millions non connus de Rusal... toutes sommes non budgétées, donc gérées directement par Alpha Condé.

Résultats économiques, ethnocentrisme et mines

« Le résultat est là : en trois ans, le prix du riz a baissé de 40% ». On se demande donc de quoi se plaignent les Guinéens ? Il est vrai que désormais, Alpha Condé ne paie plus son riz et doit donc en ignorer le prix.

« Je ne pratique pas la préférence ethnique, qui est contraire à tout ce pourquoi je me suis battu pendant quarante ans ». Il suffit de relire ses discours en Guinée, pas les mensonges éhontés à destination de l'extérieur, pour s'en persuader. De même les meurtres ciblés, les mesquineries et bassesses à l'encontre de ses adversaires. La dernière en date, le zèle de la justice – programmation de l'affaire en un mois à peine – pour juger d'une diffamation éventuelle susceptible d'amende, alors que les meurtres et assassinats n'ont même pas reçu le commencement du début d'une enquête préliminaire.

Concernant l'électricité qui devait être résolue en 6 mois, Alpha Condé considère que « la situation en ce domaine s'est beaucoup améliorée par rapport à 2010... mais qu'il y a un vrai déficit de cadres, … nous recherchons un partenaire stratégique en mesure de nous aider à restructurer l'ensemble du secteur énergétique. J'ai songé aux Français d'EDF, mais Henri Proglio [son PDG] nous a fait savoir qu'il ne voulait plus travailler en Afrique [en Guinée devrait-il préciser] ». Alpha Condé se plaint des cadres. Oublie-t-il que c'est lui qui les nomme ?

« L'objectif [dans le secteur minier], c'est la transparence [quid de Palladino et de Rusal ?]... je constate que BSGR, qui était en possession d'un permis de recherche à Simandou, l'a revendu aux Brésiliens de Vale [c'est faux, c'est une joint-venture qui a été créée, et non un simple permis qui a été vendu] en violation du code minier, qui stipule qu'un permis n'est pas transférable.... tous nos contrats miniers sont publiés sur internet [je recherche désespérément ceux de Rusal].

En matière de mines, le racket réussi contre Rio Tinto – puisque la somme n'est pas budgétée, elle n'appartient pas à la Guinée – n'a pas abouti, ni avec BHP Billiton (qui a quitté la Guinée), ni avec BSGR/Valé. Aujourd'hui tous les miniers sur lesquels Alpha Condé fondait ses espoirs de développement, comme s'il fallait compter sur les autres pour développer la Guinée, sont en stand-by ou partis. Rien à se mettre sous la dent, pour les deux ans qui viennent. Les Guinéens tiendront-ils ?

Lorsque François Soudan lui rappelle qu'il continue à tout vérifier, à tout contrôler et finalement à tout décider, Alpha Condé rappelle qu'il « n'a pas le choix », ce qui vient contredire son irresponsabilité dans la CENI, dans les meurtres ciblés, dans des fonds « égarés », bref dans tout ce qui se passe (ou ne se passe pas) en Guinée.

Enfin Alpha Condé n'a même pas honte à plus de 75 ans, avec un bilan socio-économique aussi lamentable (seul le barrage de Kaleta constitue une réelle avancée), avec des tensions ethniques dont il est l'initiateur, avec une situation humanitaire déplorable (plus de 70 morts), de vouloir même envisager de faire un nouveau mandat en 2015.


Gandhi
Citoyen guinéen


« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace » (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, mai 1791).


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