GUINEE:Vers un pis-aller



Le médiateur mandaté par la communauté internationale dans la crise guinéenne, l’Algérien Saïd Djinnit, reprend du service. Alors qu’il avait réussi l’exploit de ramener tous les protagonistes à la raison, l’homme doit, de nouveau, à son corps défendant, faire preuve d’entregent pour rabibocher le pouvoir et l’opposition en Guinée. En effet, tout est parti de l’attaque du domicile de l’opposant Celloun Dalein Diallo, par des forces de sécurité, alors que celui-ci revenait du tribunal de Dixiun où il était cité à comparaître pour diffamation contre Malik Sankan, un proche du président Alpha Condé. Les affrontements qui ont opposé les forces de l’ordre aux militants de l’opposition, mobilisés à l’occasion pour soutenir leur mentor, ont fait 12 blessés dont trois par balles. Rien d’étonnant sous le ciel guinéen où la soldatesque est réputée avoir la gâchette facile. Qui connaît bien la Guinée doit se féliciter de ce que ces affrontements n’aient pas laissé de cadavres sur le carreau ; ce qui en aurait rajouté à une situation déjà très délétère. Sans jeter l’opprobre sur qui que ce soit, l’on est tenté de se demander si la plainte en diffamation déposée contre Dalein Diallo était opportune, au moment même où le chirurgien Saïd Djinnit, avait réussi à crever l’abcès guinéen. A dire vrai, le pouvoir guinéen a manqué de vision. Il aurait pu prévenir tout dérapage en retirant sa plainte et cela au grand bonheur de la Guinée. Mais en laissant faire, on peut y voir un risque calculé du président Condé, cela d’autant plus que la plainte a été déposée par un de ses proches. La Guinée n’a plus besoin de ça. Le pays est tellement anxiogène que pour un rien, la situation peut dégénérer. En tout cas, si, en se faisant accompagner par une meute de sympathisants, l’intention de l’opposant Dalein Diallo, était de pousser le pouvoir guinéen à la faute, il aura réussi son pari, puisque le président Condé est tombé dans le piège en réprimant sauvagement une manifestation qui, du reste, se voulait pacifique. Un chef d’Etat doit avoir le dos large. Tel un père de famille, il doit supporter parfois les lubies de ses protégés, plutôt que de sortir régulièrement de ses gonds ; En tout cas, le médiateur Saïd Djinnit, a encore du pain sur la planche, surtout que l’opposition a décidé de suspendre sa participation au dialogue politique. Il est à l’image de Sisyphe, ce personnage de la mythologie grecque, condamné à rouler sur la pente d’une montagne, un rocher qui retombait toujours avant d’avoir atteint le sommet. Ce sera un travail de bénédictin que de pouvoir ramener le pouvoir et l’opposition autour d’une même table ; encore que cette dernière exige avant tout, que lumière soit faite sur les récents évènements. En tout état de cause, à vouloir trop tirer sur la corde, le président Condé et son adversaire Dalein Diallo, exposent leurs personnes, toutes proportions gardées, à des risques d’assassinats politiques. Pour preuve, les domiciles de tous les deux ont fait l’objet d’attaques. Ils doivent mettre de l’eau dans leur vin et ne pas donner l’impression d’avoir pris en otage la vie de tout un peuple. En attendant, nous souhaitons bon vent au médiateur Djinnit, pour que la Guinée qui opère déjà un pis-aller ne touche pas le fond.

Boundi OUOBA

Source: LePays (Burkina-Faso)

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