Nafissatou Diallo victime de la raison du plus fort. Par Sanaba Coné Camara

Le traitement infligé à notre sœur et compatriote Nafissatou Diallo par les
responsables socialistes français et les médias qui leur sont inféodés me soulève
le cœur de colère et d’indignation.

Sans même chercher à connaître la vérité, ils se sont tous ligués pour condamner
Nafissatou et blanchir son agresseur, Dominique Strauss-Kahn, 62 ans, ci-devant
Directeur général du FMI, le Fonds monétaire international, autrement dit le
gendarme financier du monde. Parce qu’il est le favori dans les sondages pour
l’élection présidentielle française de 2012 et parce que cet homme est l’un des
plus puissants de la planète, il faut coûte que coûte voler à son secours par tous
les moyens, y compris les plus bas, en avilissant la victime, une veuve de 32
ans, mère d’une adolescente, qui se bat de toutes ses forces pour survivre dans
l’univers impitoyable de la métropole américaine. Nous assistons au XXIème
siècle et en France, pays réputé être la patrie des Droits de l’homme, à quelque
chose d’inouï.

Parmi les grands ténors du Parti Socialiste, on ne peut manquer d’observer que
ce sont surtout les congénères de Strauss-Kahn qui se sont le plus bassement
illustrés, comme par solidarité ethnocentriste.

L’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, Jack Lang, a tenté de
banaliser l’agression sexuelle en affirmant qu’« il n’y a pas mort d’homme ».
Je dis à ce prétentieux qu’il y a bien mort d’homme, selon les préceptes de la
culture africaine. C’est une véritable mise à mort de notre compatriote par un
grandissime représentant de la ploutocratie mondiale.

Le journaliste et éditorialiste Jean-François Kahn (il porte le même nom que
l’autre), fondateur de l’hebdomadaire Marianne, périodique que j’achète tous
les samedis mais que je n’achèterai plus jamais, lance une tirade qui me fend le
cœur : « Troussage de domestique », déclare ce plumitif. C’est scandaleux. C’est
dire qu’on est revenu au Moyen-âge, avec le droit de cuissage que le seigneur
exerçait sur les femmes de ses serfs.

Le soutien indécent, sans aucune retenue, que Robert Badinter, l’homme qui a
aboli la peine de mort en France, apporte à son congénère Stauss-Kahn n’est pas
le moins consternant. Et ce n’est pas tout.

Le philosophe Bernard-Henry Lévi affirme, pour soutenir son lointain cousin
Strauss-Kahn, qu’il trouve bizarre qu’il n’y ait pas eu, dans cette chambre
d’hôtel, une brigade de femmes de chambre au lieu d’une seule. Il n’y a pas
d’argument plus spécieux et veule !

L’avocat de Strauss-Kahn, Benjamin Brafman, sûr de lui et assuré que « la
loi du plus fort est toujours la meilleure », comme nous l’enseigne le fabuliste
français La Fontaine depuis le XVIIème siècle, se fondant sur la supériorité
écrasante des puissances de l’argent, déclare dans une interview au quotidien
israélien Haaretz le 22 Mai 2011, en parlant de son client : « Il plaidera non
coupable et, en fin de compte, il sera acquitté ».

Il sera sans doute acquitté. Mais, la justice américaine passera tout de même
car, quitte au « pénal », il n’échappera pas au « civil », qui sont deux procédures
judiciaires distinctes aux Etats-Unis.

Fort heureusement, les féministes américaines se sont immédiatement
mobilisées pour prendre la défense de notre sœur Nafissatou. Elles ont exigé
la démission de Strauss-Kahn de la tête du FMI et l’ont obtenue. Sans leur
énergique intervention, le vieux satyre aurait continué à s’accrocher à son poste,
en clamant son innocence.

Fort heureusement, la Providence a volé au secours de Nafissatou. C’est parce
que l’agresseur présumé a oublié, dans sa fuite effrénée, son téléphone portable
dans sa chambre de l’hôtel Sofitel qu’il a été arrêté à l’aéroport, alors qu’il était
déjà dans l’avion en partance pour Paris. Toujours condescendant et sûr de
lui, il a appelé l’hôtel pour demander qu’on lui apporte son précieux viatique.
C’est ainsi que la police a pu le repérer et venir l’arrêter. En s’envolant vers
Paris, il aurait pu échapper à la justice. Mais, même en plein vol, les autorités
américaines auraient pu obtenir que l’appareil fasse demi-tour. Non sans le
soutien de Nicolas Sarkozy, le président français, heureux de se débarrasser de
son plus dangereux adversaire politique.

Les témoignages des collègues de Nafissatou, corroborés par les services
de sécurité de l’hôtel, ont permis de recueillir des indices suffisamment
concordants pour conduire à l’arrestation de Strauss-Kahn.

Fort heureusement, la justice américaine est indépendante du pouvoir politique.
C’est ce qui explique que le monde entier a vu Strauss-Kahn menotté au
commissariat de police comme tout présumé délinquant.

Fort heureusement, le Grand jury du tribunal pénal de New York a inculpé
Strauss-Kahn de sept chefs d’accusation. C’est pourquoi, il se retrouve
aujourd’hui sous liberté conditionnelle, en attendant son procès. En France,
où le parquet est sous la tutelle du pouvoir politique, il ne fait aucun doute que
l’affaire aurait été étouffée. Seuls quelques journalistes connivents, qui fraient
avec le pouvoir, en auraient été informés. Tout comme des autres frasques

sexuelles de Strauss-Kahn, qui étaient notoirement connues, les journalistes n’en
disant rien, en raison de la loi Guigou qui, soi-disant, doit protéger la vie privée
des Français. Mon œil ! Protéger plutôt les esclandres des « people », des riches
et des privilégiés.

Selon certaines informations, les défenseurs du « présumé innocent » ont même
tenté de dissuader la « présumée victime » de maintenir sa plainte, moyennant
un chèque dont le montant s’élèverait à un nombre à sept chiffres en dollars. Les
puissants croient qu’ils peuvent tout acheter avec de l’argent. Si cela n’est pas
un aveu de culpabilité…

Devant les propos affligeants et déshonorants des responsables socialistes
français, je suis scandalisée de voir qu’il n’y a aucune réaction des autorités
guinéennes, encore moins des responsables politiques de l’opposition, ni de
l’élite dans son ensemble, à l’exception notable de quelques rares méritants de la
diaspora qu’il faut saluer bien fort.

Dans notre pays, la Guinée, les autorités et l’élite ont dressé un véritable mur
de silence, un silence assourdissant et étouffant autour de l’affaire opposant
l’homme le plus puissant du monde à notre compatriote, simple exilée en
Amérique. C’est le géant Goliath s’apprêtant à écraser le minuscule David.
Quelle ignominie ! Mais l’Histoire raconte que c’est finalement David qui a
vaincu Goliath.

Même si les faits ne sont pas encore totalement établis par la justice sur ce qui
s’est réellement passé dans cette chambre de l’hôtel Sofitel, Nafissatou est des
nôtres. Pensons à sa détresse.

A ce propos, j’interpelle directement nos sœurs responsables politiques Rougui
Barry-Kaba, ministre chargée des Guinéens de l’Extérieur, et Nantou Chérif,
ministre de la Condition féminine et de l’Enfance.

De grâce, mes sœurs, regardez au fond de votre cœur et manifestez à l’égard de
notre autre sœur Nafissatou votre solidarité, afin que celle-ci sache, ainsi que le
monde entier, que son pays s’inquiète de son sort. Du côté de Strauss-Kahn, le
consul honoraire de France à New York lui a rendu plusieurs visites en prison.
Est-ce que la Mission diplomatique de la Guinée aux Etats-Unis a seulement
pensé à rendre visite à sa ressortissante Nafissatou ou tout simplement à
s’enquérir de son sort car, même si elle était présumée coupable de quelque délit
que ce soit, elle devrait recevoir assistance et compassion de la part des autorités
de son pays ?

C’est le lieu de rappeler à ma sœur Nantou Chérif ce qui nous a amené à

organiser la « Marche du pagne blanc » à Paris, à la suite des viols des femmes
perpétrés par des militaires le 28 Septembre 2009 à Conakry. Ma sœur,
souviens-toi !

Nantou et Rougui, vous savez toutes les deux, que selon notre éducation
ancestrale, quand un membre de la famille est en conflit avec autrui sur la place
publique, notre sentiment d’appartenance commune nous amène à nous serrer
les coudes et à soutenir notre proche. Comme l’ont fait les proches de Strauss-
Kahn, les grands ténors du socialisme français, en piétinant leur qualité de
responsables politiques ! On remarquera que parmi eux ne se trouve aucune
femme.

Vous savez que ce dimanche 22 Mai 2011 s’est tenue à Paris une puissante
manifestation contre le sexisme. Y ont pris part de nombreuses personnalités
féminines, ainsi que des associations françaises et africaines, demandant,
entres autres, que l’« on sorte l’homme des cavernes » et pour dénoncer « la
réhabilitation nationale du viol » par la classe politique.

S’y trouvaient de grandes figures telles que la journaliste de télévision afro-
caribéenne Audrey Pulvar, l’artiste Florence Foresti, l’écrivaine et essayiste
Isabelle Alonso, l’incorruptible magistrate Eva Joly, la responsable politique
Clémentine Autain, la militante Caroline Flepp, membre fondatrice du site
Internet Egalité… Il y avait même Christine Ockrent, responsable de la chaîne
de télévision France 24 et compagne de l’ancien ministre des Affaires étrangères
Bernard Kouchner, cet homme qui se pavane aujourd’hui à Conakry et qui n’a
pas pipé mot, tout simplement par connivence avec Strauss-Kahn.

Toutes ces femmes ont apporté leur ferme soutien à notre sœur Nafissatou et
dénoncé vigoureusement les propos désobligeants tenus par ces messieurs de la
gauche caviar et plus que méprisable.

Dieu merci, la justice américaine saura rendre à notre sœur Nafissatou son
honneur. En ce qui me concerne personnellement, je lui apporte d’ores et déjà
mon soutien indéfectible dans sa détresse. Je prie pour que Dieu, le Tout-
puissant, fasse qu’elle retrouve sa dignité de femme.

Ce que Nafissatou et sa fille - qu’on oublie trop souvent -, vivent aujourd’hui,
je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Pour avoir moi-même élevé seule mes
enfants, je sais ce que cela signifie de pénibilité et de souffrance.

Son employeur dit que c’est une bosseuse. Partout où elle est passée, la police
ne recueille que de bons témoignages qui plaident en sa faveur. Ceux qui la
connaissent parlent d’une belle femme (alors que les avocats de Strausss-Kahn

l’ont qualifiée de plutôt laide : encore le sexisme outrageant de ces gens-là !).
Elle aurait pu se contenter d’être une femme entretenue. Mais non, elle a tenu
à travailler dur pour élever sa fille et garder sa dignité. Elle mérite tout notre
soutien et toute notre sympathie.

Nantou et Rougui, joignez vos voix à celles de toutes ces femmes qui, de par le
monde entier, s’élèvent vers le ciel pour porter secours à notre sœur Nafissatou
Diallo. Brisons toutes ensemble ce mur de silence qui, dans notre pays, entoure,
étouffe et veut reléguer dans l’oubli Nafissatou, victime de la loi du plus fort.

Sanaba Coné Camara
Mère de famille guinéenne à Paris

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