Coup de force et vieux démons à Conakry

Le président guinéen, Alpha Condé, a lancé un appel au calme après l'assaut contre sa résidence. Peu après, l'ancien chef d'état-major, le général Nouhou Thiam, a été arrêté, soulevant la question d'un éventuel motif politique de l'attaque.

La résidence du président guinéen, Alpha Condé, située dans le quartier Kipé à Conakry, a été attaquée mardi, entre 3 heures et 5 heures (heure locale), par des hommes lourdement armés encore non identifiés. “Sain et sauf”, le chef de l'État a tenu à rassurer les Guinéens sur son engagement à poursuivre “le changement promis” ainsi que “la marche du peuple guinéen vers la démocratie”. Cependant, quelques heures après l'assaut, l’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Nouhou Thiam, a été arrêté à son domicile.

Élu démocratiquement le 21 décembre 2010, Alpha Condé, a
aussitôt promis après son accession au pouvoir de remettre de l’ordre dans l’armée, un corps gangréné par les dissensions internes entre ses officiers et par l’indiscipline de ses troupes. La réforme des forces de défense et de sécurité est alors inscrite dans le programme d’urgence de son gouvernement. Mais ce processus ne semble pas faire l’unanimité au sein des hommes en uniforme.

"La réforme de l’armée fait peur aux militaires guinéens"

Interrogé par FRANCE 24, Tshiyembe Mwayila, directeur de l’Institut panafricain de Nancy, explique que “depuis Sékou Touré [le premier président de la République de Guinée (1958-1984), ndlr], l’armée guinéenne regorge de foyers de tensions marqués par des purges internes alimentées par des soupçons de complot des uns contre les autres et des considérations ethniques”. Et le chercheur d'ajouter : “La décision de réformer les forces armées ne peut que faire peur à beaucoup de militaires qui craignent de perdre leur influence dans la future armée qui se veut désormais républicaine.”

Depuis son accession à l’indépendance en 1958, la Guinée a connu une succession de coups d’État jusqu’à l’organisation, en 2010, du premier scrutin jugé démocratique de son histoire. L’armée a toujours joué un rôle déterminant dans tous ces putschs, à l’instar du dernier coup de force, en décembre 2008, du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte militaire qui a placé le capitaine Moussa Dadis Camara à la tête du pays, au lendemain de l’annonce de la mort du président Lansana Conté au pouvoir depuis 24 ans.

Début décembre 2009, le chef de la junte est gravement blessé à la tête par son aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité, dit "Toumba", accusé d’être le commanditaire du massacre des civils au Stade du 28-Septembre de Conakry. Dadis Camara, indisponible, est alors contraint de passer les commandes au général Sékouba Konaté pour conduire le pays vers des élections démocratiques dans les six mois.

“Alpha Condé, en portant un projet de la refonte du système de défense et de sécurité de son pays, est devenu la cible non seulement des militaires qui craignent de perdre leur place mais aussi de tous les autres mécontents politiques du système. La conjonction de ces deux éléments pourrait ainsi expliquer la tentative de coup de force de ce mardi à Conakry”, analyse Tshiyembe Mwayila.

"Un acte dangereux pour la démocratie naissante"

Les organisations de la société civile guinéenne sont unanimes : quel que soit celui ou ceux qui sont derrière cette attaque contre le domicile du président Alpha Condé, ce coup de force est “inacceptable”. Contacté par FRANCE 24, Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des ONG en Guinée, condamne cet “acte dangereux pour la démocratie naissante au pays”. Il fustige en même temps “une armée de bandits qui pensent qu’on peut encore accéder au pouvoir par la force”.

Le bilan officiel de l'attaque de mardi fait état d’un mort et de deux blessés parmi les gardes républicains et d'arrestations dans le rang des assaillants.

Trésor KIBANGULA

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