Condé va-t-il créer une armée de fidèles ?

Le président Condé prend-il vraiment la mesure des choses avec la série d’arrestations opérées après ce qu’il a appelé une tentative d’assassinat sur sa personne le 19 juillet dernier ? 37 militaires, dont des personnalités proches des anciens dirigeants de la transition, Sékouba Konaté et Moussa Dadis Camara, sont soupçonnés d’être derrière cette affaire et devront rendre des comptes. Même s’il s’en défend, Condé entrouvre la porte de la chasse aux sorcières dans un pays qui n’est pas encore guéri de 50 ans d’instabilité dus aux nombreux régimes d’exception. Et si, en fait, le professeur Alpha Condé, qui joue les vertueux, était à la base de cette situation parce qu’il n’a pas respecté certains engagements pris ? C’est une thèse à ne pas exclure. Cela dit, certains avaient estimé que le régime de transition avait choisi de façon officieuse de soutenir le candidat Condé et que cela avait vraisemblablement favorisé son accession à la magistrature suprême. Même si ce n’est pas prouvé, on imagine mal qu’il n’ait pas bénéficié d’un quelconque coup de pouce de l’institution militaire. Si donc l’attaque de la résidence du président guinéen est l’œuvre de ceux qui s’estiment avoir été déçus, c’est que l’heure est grave. Il se peut que Condé ait provoqué le mécontentement de chefs militaires en voulant couper le robinet qui servait à les arroser abondamment durant des années et qui faisait d’eux des super privilégiés. Leur réaction serait alors logique quand on sait combien il leur est difficile de renoncer aux prébendes et autres avantages colossaux. En tous les cas, ces arrestations ne sont pas de nature à ramener le calme dans cette armée guinéenne où, selon toute vraisemblance, ceux qui ont des barrettes jusqu’à la mâchoire (entendez les gradés) sont plus nombreux que les subalternes. Et à défaut de pouvoir compter désormais sur des militaires rétifs à toute réforme, Alpha Condé pourrait opter pour le repli sur soi. La crainte serait en effet qu’il crée une armée dans l’armée, qui lui serait fidèle, coupant ainsi court au projet d’une armée républicaine dont l’instauration est importante pour la consolidation de la démocratie en Guinée. Mais on n’en est pas encore là et il faut espérer que la vie reprenne vite son cours normal. Condé peut-il se passer du général Sékouba Konaté pour prendre le contrôle de l’armée après quelques mois à la tête de l’Etat ? Ce qui est sûr, l’armée doit rentrer dans les rangs de la République pour ne pas continuer à jouer les arbitres en cas de crise institutionnelle. Ce pays a suffisamment souffert de l’intrusion de l’armée qui a souvent récupéré les aspirations légitimes du peuple et exercé le pouvoir d’Etat pour ses propres intérêts. Le président Condé l’a bien compris et y cherche des solutions. Seulement, c’est sa méthode qui pose peut-être problème…



Dayang-ne-Wendé P. SILGA

Source: Le pays (Burkina faso)

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