Qui a voulu Tuer Alpha Condé selon JA

Involontairement la revue Jeune Afrique confirme la
supercherie

André Silver Konan, l'envoyé spécial à Conakry du journal Jeune Afrique, vient d'être
embauché par ce dernier depuis le 1er Juillet 2011. Bien qu'Ivoirien, et alors que la plupart
de ses écrits concerne la Côte d'Ivoire, il est présenté comme un spécialiste de la Guinée,
dont il a fait un récit des événements fort intéressant dans le n°2637 du 24 Juillet 2011.

Le rappel des faits selon JA, l'arrivée des insurgés

« La veille de l'attentat, des soldats ont été arrêtés en possession d'armes (quoi de plus
naturel pour des militaires !) et des tracts fustigeant l'action politique d'Alpha Condé ».
On aimerait voir les tracts qui justifient l'arrestation des militaires, car moi aussi, je
suis capable de fustiger l'action inexistante du régime actuel. Si cela vaut la prison, je
souhaiterais qu'on m'explique ce qu'est la démocratie.

« A 3h10, le commandant Alpha Oumar Barry (alias AOB) arrive du quartier de
Bambeto » (???) et non pas de la plage où se trouvaient – parait-il – les insurgés. Bizarre,
cette dispersion des forces (j'y reviendrai) !

« Une sentinelle tire en l'air pour alerter ses camarades, … et les commandants qui
défendent la résidence, sont réveillés par des tirs de sommation » (lapsus révélateur).
Depuis quand fait-on des sommations, lorsque l'on veut assassiner quelqu'un ?

Finalement, la garde présidentielle comprend une centaine d'hommes, mais avec des
moyens de défense limités !!! En outre, il n'y a aucun médecin auprès du PRG. On se
rappelle pourtant que le médecin personnel du PRG a été nommé par décret présidentiel.
En quoi consiste la mission d'un médecin personnel (nommé par décret) qui ne se trouve
pas à proximité de son illustre patient ? On constate donc au passage que la sécurité
du PRG n'est pas optimum, et qu'en outre, des civils se situent de façon contiguë à la
résidence présidentielle, ce qui en dit long sur le respect octroyé aux civils. Le fait de
dormir dans une chambre différente de la sienne le protège, est-il dit. C'est ignorer ce
qu'un lance roquettes est capable de faire. Le PRG allume son PC, alors qu'on a signalé que
le secteur a été plongé dans le noir (on peut sans doute considérer que la résidence a été
épargnée, ou dispose de groupes autonomes). A défaut de sécurité militaire, elle dispose au
moins de sécurité électrique.

Les premiers tirs

« A 3h40, soit 30 minutes après leur arrivée (qu'ont-ils faits pendant 30 minutes ?),
la première roquette est lancée, mais loupe sa cible » (la maison voisine est touchée).
Le militaire est-il nul ou est-ce la consigne de tirer à côté ? Apparemment l'adjudant-
chef Lama est un novice, puisqu'il s'est arraché le bras en manipulant le lance-roquettes.
Bizarre, comment le commando a t-il été constitué ?

Tout responsable d'une opération militaire s'assure en principe que ses hommes sont
compétents et aguerris. On ne s'engage pas dans une telle opération avec des amateurs.

« Les tirs se concentrent sur la chambre », est-il écrit. Les tirs de quoi ? Y a t-il d'autres
lance-roquettes, puisque le préposé à l'arme est out ?

« Un obus de 20 mm (généralement utilisé contre des bâtiments) est tiré et touche sa cible
(ce sera bien le seul) ».

« Le camp Alpha Yaya est à moins de 10 mn, mais il n'y a pas de réaction ». Le journaliste
suggère « une défaillance de communication (autrement dit aucun militaire n'est
joignable ?) ou il existe des complicités internes : les généraux dormaient (à 4 heures du
matin, quoi de plus normal !) ou avaient éteint leur téléphone ». Pourtant nous n'avons
pas connaissance à ce jour, que parmi les proches chargés de la sécurité du PRG, certains
aient été sanctionnés. Pour quelle raison ?

« A 4 heures, une troisième roquette (seulement ?) est tirée, et cible la porte d'entrée ». On
se demande bien pourquoi ? Les mutins sont à peine cinquante, alors qu'il y a une centaine
de militaires à l'intérieur de la résidence. Quel serait le but de cette opération, qui soit
dit en passant a complètement échoué, puisque la porte d'entrée, visible le lendemain de
l'attentat est tout à fait intacte !!!

« Les insurgés tentent des frappes chirurgicales avec leurs fusils à lunettes ». Bilan :
aucune cible atteinte. Quand on vous dit que ce commando ne comprend que des
amateurs !!!

« A 4h5 (4h05 ou 4h50?), alertés de l'arrivée de renforts (par qui ?), les assaillants
battent en retraite. Touché aux pieds, AOB est immobilisé (arrêté ?) à quelques mètres
de la résidence. Son véhicule (mais pas lui) sera retrouvé à Kaloum après une course
poursuite (on suppose que s'il est touché aux jambes, ce n'est pas lui qui conduisait), et on
découvre un lance missiles dans son coffre (arme efficace mais qui n'a pas été utilisée, on
se demande bien pourquoi ?) ».

« Une dizaine d'assaillants sont arrêtés (s'ajoutent t-ils aux 25 autres militaires, que le
gouvernement a officiellement reconnu avoir arrêté ?), et on trouve deux morts parmi les
mutins (dont personne n'avait parlé jusqu'ici, et dont on ignore l'identité) ».

La purge qui s'ensuit

On arrête le général Nouhou Thiam chez lui (pourquoi n'a t-il pas fui, s'il est impliqué ?),
parce qu'il déplaît à Alpha Condé, ou parce qu'il aurait menacé l'un de ses collaborateurs.
En tous cas, c'est le lien avec le commandant AOB qui permet d'arriver jusqu'à lui. En effet,
ce dernier deviendra le collaborateur du général Nouhou Thiam sous la présidence par
intérim du général Sékouba Konaté.

A 12h, le colonel Sidiki camara (alias de Gaulle) débarque avec 5 hommes à la résidence
de Kipé, vraisemblablement pour offrir ses services ou pour s'enquérir de la situation. On
imagine bien que ce n'est pas avec 5 hommes qu'il va faire un coup d'État ou assassiner
le PRG. Malgré tout, le ton monte entre certains militaires, et des rafales sont tirées.
Pourtant, on n'a pas hésité à dire, que l'Ambassadeur de France, présent à cette heure à
la résidence, a été témoin d'une deuxième tentative d'attentat (à moins que diplomatie
oblige....).

« Plus tard, ce sont 52 militaires et civils (dont plusieurs membres de l'UFDG) qui seront
arrêtés (et non pas 38), et il est indiqué que Bah Oury en fait partie (est-ce une coquille,

une information, ou une gaffe ?) ».

Explications possibles

L'analyse comparative (avec d'autres situations dans les pays d'Afrique, notamment
francophones) nous permet d'envisager deux hypothèses (il en existe bien entendu
d'autres), qui, si elles ne constituent pas la vérité, restent plausibles, parce que mises en
œuvre ailleurs en Afrique, à quelques détails près.

Première hypothèse
Dans ce genre d'attaque simulée, ce sont généralement les membres de la mouvance
gouvernementale qui tirent les ficelles. On peut donc imaginer des membres des services
de sécurité proposer au commandant AOB de monter un coup (au profit de l'armée) contre
le PRG. Il leur faut une personne expérimentée (il est instructeur), qui puisse faire office
d'insurgé crédible. En outre, il est éventuellement craint (il a de nombreux faits d'armes
à son action) et sa coloration ethnique (il est peul) correspond à l'image que l'on veut
donner à cette attaque. Il faut en effet se rappeler les déclarations d'Alpha Condé à RFI, et
constater les premières inculpations (de civils ?) dont tous les noms sont peuls.

On peut donc supposer que ce sont les services d'Alpha Condé, qui ont contacté AOB pour
lui mettre en tête qu'il fallait se débarrasser du PRG, pour les raisons déjà maintes fois
expliquées (et rappelées dans l'article en question), tout en précisant qu'AOB représente un
leader crédible pour monter un coup pareil.

Ce dernier aurait donc pu vraisemblablement jouer le jeu, mais bizarrement n'était pas
au milieu de ses troupes (il venait de Bambeto et a été rejoint par d'autres, qu'il n'a donc
peut-être pas recruté lui-même). Certains étaient peut-être de jeunes recrues motivées
mais inexpérimentées (se appeler la perte d'un bras de l'adjudant-chef Lama avec la
manipulation d'un lance roquettes), et d'autres étaient peut-être des faire valoir pour créer
le nombre, mais en aucun cas de vrais mutins (de nombreux tirs n'ont pas atteint leur
cible).

Deuxième hypothèse
Il ressort de différentes informations et de la personnalité de AOB que ce dernier est un
loyaliste, incapable de trahir le gouvernement en place. Beaucoup connaissent l'histoire
des événements de Février 1996, ou les gradés de la garde présidentielle du général
Lansana Conté avaient fui, et c'est AOB qui avait organisé la défense de Conté, contre les
mutins. En 2008, encore avec les évènements au camp Alpha Yaya, il intervient contre un
certain Dadis Camara au pont du 8 Novembre et « sauve » le régime.

On peut donc supposer de sa carrière, qu'il reste légaliste, et qu'il donne plutôt
l'impression de défendre le régime en place – quel que soit son titulaire -, d'où la surprise
de sa participation à ce genre d'opération. Deux questions restent d'ailleurs en suspens.
Comment a t-il été blessé, puisqu'on parle de grenade ? Où et quand a t-il été arrêté, des
rumeurs laissant entendre qu'il aurait pu être arrêté chez lui et non sur place à Kipé.

Si l'attentat est un coup monté, le régime va profiter de l'émotion suscitée par
cet événement (aux niveaux national et international) pour éliminer – y compris
physiquement parfois – ses adversaires, au sein de l'armée, de l'opposition officielle et
officieuse. C'est le but essentiel de ce genre de manipulation, et elle emporte ma conviction,
notamment si on fait le bilan de l'opération.

Bilan de l'opération
On nous a présenté des mutins comme équipés d'armes lourdes : trois roquettes ont
finalement été tirées, dont deux pour rien. Un seule a atteint la chambre en question. 147
impacts de balles ont été constatés. Toutefois si les insurgés étaient cinquante (6 pick-up
de 6 à 8 personnes) -, cela signifie que chacun a tiré 3 à 4 balles en 30 minutes ou 2 heures
30 !!! (selon les sources1).

Je crois que chacun a fait de l'arithmétique, et chacun connaît au moins la kalachnikov. Il
existe différents types de kalachnikov, mais l'AK47 (la plus connue dans le tiers monde) a
une cadence de 600 coups par minute.

Autrement dit, un seul mutin qui tirerait pendant une minute sur la résidence produirait
près de 600 impacts de balles (soit 4 fois plus que les 147 répertoriés). Or ils étaient
une cinquantaine d'insurgés et sont restés 30 minutes à 2 heures 30. Cherchez l'erreur !
Je crois que les chiffres indiqués sont suffisamment significatifs, pour se passer de
commentaires.

Conclusion

L'histoire de la Guinée relate de nombreux vrais/faux complots, plus ou moins utilisés
pour décimer l'opposition officielle ou officieuse. Il n'est pas question de faire l'inventaire
de ceux-ci, mais de nous focaliser sur celui qui nous intéresse actuellement.

A défaut de détenir la vérité, il y a lieu d'avoir de sérieux doutes. D'ailleurs, si mon
hypothèse se vérifie, nul doute que nous ne reverrons pas le commandant AOB, qui s'il
était vivant, pourrait s'expliquer publiquement sur son acte potentiel (mais non avéré
à ce jour), mais également sur ses réelles complicités (pas celles que le gouvernement
poursuit), et sur les manipulations dont il a fait l'objet. Dans un premier temps, la Croix
Rouge qui a été sollicité (mais qui n'a pas confirmé sa visite aux prisonniers) pourrait
réellement s'enquérir de l'état de santé des prisonniers.

Dans un premier temps, il faudra que le gouvernement ou Jeune Afrique s'explique sur
l'arrestation de Bah Oury (l'article est désormais en ligne sur le site de JA).

Dans un deuxième temps, il faudra que le gouvernement justifie, autrement que par des
dénonciations et autres aveux, dont nous connaissons tous la crédibilité partiale, la réalité
de l'implication de membres de l'UFDG (voire de l'UFDG lui-même) dans cette opération.

A défaut, il prend de grands risques de radicalisation d'une moitié (voire plus) de la
population, et cela n'annonce rien de bon qui vaille, car à la passivité jusque là suivie par
celle-ci (et que certains extrémistes considèrent comme de la faiblesse), pourrait succéder
un activisme radical.

Les manifestations qui ont eu lieu aux États-Unis et en France contre le régime d'Alpha
Condé, sont le signe d'une exaspération qui pourrait se transformer, si le gouvernement
n'y prend pas garde. Or c'est le rôle d'un gouvernement de sentir les aspirations de sa
population, à moins que ce dernier ne considère qu'il n'a de compte à rendre qu'à la
communauté internationale. Mais dans ce cas aussi, il ne faut pas oublier la dynamique
que la diaspora peut mettre en œuvre, pour faire pression sur celle-ci (on sait ce que cela a
donné sur Dadis), la communauté internationale étant très versatile.

1 Selon AC l'opération aurait duré de 3h00 à 5h30. Selon JA de 3h40 (premier tir réel) à 4h05.

Gandhi, citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au
moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre,
Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

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