Affaire DSK : le plaignant de Sarcelles témoigne

André M’Bissa, le père de Marie-Victorine : "Il était envoyé pour que je parle à ma fille. Quand j’ai voulu savoir par qui, il a dit par ses patrons"



André M’Bissa, le père de Marie-Victorine, qui aurait entretenu une liaison avec DSK, raconte sa version sur l’affaire de subornation de témoin.

A l’époque où il était maire de Sarcelles, Dominique Strauss-Kahn aurait eu une liaison avec la jolie Marie-Victorine. Une relation qui se serait soldée par une tentative de suicide de la jeune femme lors de la rupture. Treize ans plus tard, son père — qui a quitté le PS pour rejoindre l’opposition — affirme avoir été approché par un adjoint au maire de Sarcelles « pour faire taire sa fille »

Les avocats de Nafissatou Diallo ont déposé une plainte pour subornation de témoin. A la terrasse d’un café de Sarcelles, André M’Bissa, 68 ans, nous livre sa version. Il a été entendu hier dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Pontoise et confiée à la PJ de Versailles

Par qui et comment avez-vous été approché ?

ANDRÉ M’BISSA. Par Youri Mazou-Sacko, un adjoint au maire (PS) et conseiller général. Il a l’âge de mes enfants, c’est comme ça que je le connais. Il m’a d’abord téléphoné deux fois. La troisième, je lui ai répondu. Il voulait venir me voir. Je lui ai donné mon adresse, chez un ami qui m’héberge à Sarcelles. C’était le 9 août, vers 13 ou 14 heures. Il s’est garé en bas et m’a dit : «Tonton, monte, choisis un endroit où aller». J’ai compris que c’était important. Je lui ai laissé le choix, il nous a conduits au complexe Nelson-Mandela.

Que vous a-t-il dit alors ?
Il était envoyé pour que je parle à ma fille. Quand j’ai voulu savoir par qui, il a dit par ses patrons. Jusque-là, il tournait autour du sujet, il voulait que ça vienne de moi. Il m’a demandé le téléphone de ma fille sans m’expliquer pourquoi, alors j’ai dit non. C’était pas clair. Ma fille est une grande personne, elle est juriste internationale aux Etats-Unis. Je voulais avoir l’accord de toute la famille.

Vous en êtes restés là ?
Non, on a pris rendez-vous pour le 10 août mais on a reporté au 11 parce que je n’avais pas eu toute la famille. Il est venu me chercher, nous sommes retournés à Nelson-Mandela. J’ai redemandé à Youri ce qu’il voulait exactement. Puis il m’a dit : « Tonton, je suis envoyé pour que tu donnes le téléphone de ta fille parce qu’elle parle trop à la télévision, dans les journaux. » Moi, je n’ai pas la télévision : j’ai perdu ma maison et la mairie n’a jamais accédé à mes demandes de logement. J’ai encore demandé pourquoi ses patrons ne venaient pas me voir eux-mêmes. Je lui ai dit : « Ils t’ont choisi pour me parler parce que tu es africain comme moi. Mais tes chefs t’envoient à l’abattoir. »

A-t-il nommé ses chefs ?
Non, jamais. Mais moi, j’ai ouvert mon sac et sorti une lettre que j’avais envoyée à Pupponi (NDLR : député-maire PS de Sarcelles) en mai au sujet de ma demande de logement. Chaque année je la renouvelle, mais on n’a jamais cherché à savoir ce que j’étais devenu. Quand il l’a lue, je lui ai dit : « Tu as compris? » Il a acquiescé. Et puis il a dit : « Qu’est-ce que tu veux pour faire taire ta fille? L’argent? Le travail ou quoi? » Là, j’ai pensé à l’histoire de Didier Schuller à Clichy, quand il a piégé Maréchal, qu’il a dénoncé après lui avoir proposé un million d’euros (NDLR : pour corrompre son gendre, le juge Halphen, qui enquêtait sur les finances du RPR). J’ai voulu faire la même chose. Je lui ai dit : « Si vous voulez négocier, mettez 5 millions. » Il a dit : « Tonton, je suis une courroie de transmission, je vais voir mes chefs. »

Vous avez eu des nouvelles rapidement ?
J’ai rappelé que, l’audience à New York étant fixée au 23 août, ils avaient jusqu’au 20 pour me donner une réponse. Je n’ai jamais eu de nouvelles.

Votre fille était-elle au courant de ces échanges ?
Je lui ai raconté. Elle ne m’a pas donné son accord et d’ailleurs je ne lui ai pas demandé. Depuis 1998, on n’avait jamais reparlé de cette affaire. En treize ans, on n’a pas embêté ces gens-là. Si j’avais voulu de l’argent, je l’aurais fait à l’époque.

Le Parisien





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