Libye L’Union africaine prône une issue politique négociée au conflit

Le Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion libyenne qui réunit des personnalités opposées au régime de Mouammar Khadhafi, est de plus en plus reconnu sur la scène internationale comme seul représentant du peuple libyen.

Le CNT a été en effet reconnu par plusieurs pays, à l'instar de la Tunisie, l'Egypte, le Qatar, la Turquie, la France et les Etats-Unis. Dorénavant, il va siéger à la Ligue arabe. Jeudi, le secrétaire général de la Ligue, Nabil al-Arabi, a affirmé que le Conseil représenterait désormais la Libye au sein de l'organisation panarabe.

«Il y a (eu) accord parmi les pays arabes lors de la dernière réunion des ministres arabes des Affaires étrangères à Doha, sur le fait que le moment est venu pour la Libye de récupérer son siège à la Ligue arabe, et que le CNT libyen sera le seul représentant légitime de l'Etat libyen à la Ligue», a déclaré M. al-Arabi. D'ailleurs, il participera, aujourd'hui au Caire, à une réunion à ce niveau.

Cette rencontre extraordinaire débattra de la situation en Libye et en Syrie. La Ligue arabe, pour rappel, avait décidé le 22 février de suspendre la participation de la Libye aux réunions de l'organisation en raison du conflit opposant Kadhafi et ses partisans aux insurgés. Les nouveaux maîtres à Tripoli voient grand : ils comptent briguer, en septembre, le siège libyen

à l'Assemblée générale des nations unies (ONU), aidés en cela par la Turquie. Toujours sur le plan diplomatique, l'Union africaine (UA) a ouvert jeudi à Addis Abeba une session sur la situation en Libye sans la présence des présidents mauritanien et malien, membres du comité de médiateurs africains sur la crise libyenne.

Selon le porte-parole de la commission de l'UA, Noureddine Mezni, l'organisation panafricaine devait organiser jeudi une réunion du comité des médiateurs de l'UA sur cette crise suivie vendredi d'un mini-sommet des chefs d'Etat du Conseil de paix et de sécurité de l'UA sur le même sujet. Depuis le début de la rébellion, l'UA a prôné une issue politique négociée au conflit, demandant à plusieurs reprises, en vain, l'arrêt des bombardements de l'Otan.

Même si les discussions sont en cours à Addis Abeba, une source diplomatique occidentale a indiqué hier que l'UA en tant qu'institution ne reconnaîtrait pas explicitement le CNT. Des responsables africains ont toutefois déclaré que vingt pays d'Afrique - sur les 54 qui composent l'UA - avaient individuellement reconnu l'instance dirigeante des insurgés. «Le Conseil pour la paix et la sécurité de l'UA comprend des pays qui ont soutenu Kadhafi dans le passé ou qui lui sont débiteurs de certaines choses. Ils ne reconnaîtront pas le CNT», a dit un diplomate proche des négociations.

Kadhafi toujours recherché Sur le terrain, le CNT continue de transférer son comité exécutif (gouvernement provisoire) de Benghazi à Tripoli. En même temps, les insurgés lancent des attaques sur Syrte où Kadhafi se serait refugié. Le colonel déchu, dont la tête a été mise à prix à 1,7 million de dollars, soit se trouve dans le sud de la capitale, soit est déjà parti vers le désert,

a toutefois estimé l'ancien numéro deux du régime libyen, Abdessalem Jalloud, qui se trouve en Italie. «Il n'a plus que quatre personnes autour de lui, il y a deux possibilités : soit il se cache dans la partie méridionale de Tripoli, soit il est déjà parti depuis un certain temps», a déclaré M. Jalloud lors d'une conférence de presse. Dans la première hypothèse,

le colonel restera terré dans le sud de Tripoli «jusqu'à ce que les routes soient rouvertes, et à ce moment-là, il sortira peut-être déguisé en femme ou autre chose pour quitter» la capitale, selon M. Jalloud, qui connaît bien M. Kadhafi pour avoir mené à ses côtés le coup d'Etat de 1969. «La deuxième possibilité, c'est qu'il soit déjà parti depuis un certain temps et se trouve soit à la frontière avec l'Algérie, soit à Syrte ou Sebha et qu'après, il traversera le désert», a ajouté M. Jalloud.

Le parti du cinéaste Cheick Oumar Sissoko, seule formation de l'opposition représentée à l'Assemblée nationale malienne, a dénoncé jeudi «une tragédie humaine» en cours en Libye et «l'appel à l'assassinat» de Mouammar Kadhafi. «Une tragédie humaine se déroule sous nos yeux en terre africaine de Libye. (...) C'est une occupation coloniale préparée et dirigée par la France,

la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l'Otan», et à laquelle «les Nations unies ont donné leur feu vert», déclare le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi) dans un communiqué. «Aujourd'hui, l'invasion, les massacres des populations civiles, la destruction des infrastructures, la chasse à l'homme et aussi à la femme,

l'appel à l'assassinat du guide Mouammar Kadhafi et des membres de sa famille ainsi que de ses proches passent en direct sur les chaînes de télé et n'offusquent pas les grandes consciences européennes», ajoute-t-il. Il «condamne cette agression injustifiable», exprime son "soutien " au peuple libyen "dans cette dure épreuve", et "exhorte les pays africains à rappeler leurs ambassadeurs en Libye" et dans les pays engagés dans les opérations de l'Otan "pour protester contre cette injustice internationale".

L'Otan bombarde à Syrte Par ailleurs, l'ambassade du Venezuela en Libye a été «attaquée et mise à sac», a annoncé mercredi le président vénézuélien Hugo Chavez, lors d'une conférence de presse donnée à Caracas à l'occasion d'une visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

«L'ambassadeur du Venezuela confirme que notre ambassade à Tripoli a été attaquée et totalement mise à sac. Il faut exiger le respect de l'intégrité (physique) de notre ambassadeur et de tout le personnel qui travaille là-bas», a déclaré M. Chavez.

«J'espère qu'ils vont arrêter cette folie», a-t-il encore déclaré au sujet de la rébellion. «J'ai l'impression que la tragédie en Libye ne fait que commencer pour ce peuple frère qui a le droit d'exister et de construire sa propre histoire». Toujours sur le terrain, la télévision du régime libyen, al-Jamahiriya, a annoncé jeudi sur sa page Facebook que l'Otan bombardait la ville de Syrte, région d'origine du dirigeant libyen, située à 360 km à l'est de Tripoli.

L'Otan «bombarde en ce moment la ville de Syrte», a indiqué la page de la télévision sans plus de précision. Depuis lundi après-midi, la télévision d'Etat a cessé d'émettre après sa prise de contrôle par les rebelles. Les insurgés qui tentent d'avancer vers la ville de Syrte ont reconnu mardi faire face à une résistance inattendue à Ben Jawad, à environ 140 km à l'est de leur objectif, d'où les forces pro-El Gueddafi tirent des roquettes.

Ils avaient précisé que des négociations avaient été entamées par la rébellion avec les tribus locales pour obtenir une reddition pacifique de la ville où les insurgés pensent que le dirigeant libyen a pu trouver refuge. D'un autre côté, l'Otan ne vise pas spécifiquement le colonel et il n'y aucune coordination militaire entre les forces de l'alliance et les rebelles libyens, a affirmé jeudi sa porte-parole.

«L'Otan ne vise aucun individu spécifiquement», a dit Oana Lungescu au cours d'un entretien téléphonique avec l'AFP. «Il n'y a pas de coordination militaire avec les rebelles», a-t-elle ajouté. «Nous menons les opérations en Libye en suivant à la lettre notre mandat (du Conseil de sécurité de l'ONU) pour protéger les civils»,

a souligné la porte-parole. Elle a précisé que l'Otan continuait de suivre «très attentivement» la situation «mouvante» sur le terrain. «Nous intervenons quand cela est nécessaire quand nous détectons des attaques ou des menaces d'attaques contre des civils», a-t-elle ajouté.

Par Djamel Chafa ./Agences

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