Alpha Condé : Attention à la résurgence de la «complotite» !

Le président guinéen, Alpha Condé, s’est bâti une solide réputation de quelqu’un qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ce qu’il pense, il le dit ; et tant pis si ses propos choquent. L’homme vient de faire des déclarations qui se rapportent à l’attaque qui prit pour cible sa résidence privée, le 19 juillet 2011 au petit matin ; et comme d’habitude, il n'a pas dérogé à sa règle de conduite : Alpha Condé, sans circonlocution aucune, en a accusé nommément le n°2 du parti de son principal rival, Cellou Dalein Diallo, ainsi qu’un ex-ministre de nos jours secrétaire général à la présidence guinéenne, de même qu’un proche de Sékouba Konaté ; dans la foulée, il a fustigé le Sénégal et la Gambie, tous deux coupables à ses yeux d’avoir été au courant de l’attentat ; plus, à l’en croire, leur complicité est établie, puisque «tout a été préparé à Dakar».

Ahurissant tout de même ! Sans chercher à exiger du président guinéen qu’il apporte la preuve matérielle de ce qu’il avance, on ne peut manquer de voir qu’il manque de tact dans la manière de procéder.

On se souvient que, dans cette affaire qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets, une commission avait été mise en place, qui reçût pour mission de mener les enquêtes et investigations nécessaires pour tirer l’affaire au clair. Alpha Condé aurait été bien inspiré de la laisser mener ses activités jusqu’au bout ; car les déclarations qu’il vient de faire, à tout le moins, court-circuitent le processus et mettent tout le monde dans l’embarras. Tout président de la République qu’il est, Alpha Condé n’est tout de même pas le rapporteur de ladite commission. Et même si, par une enquête parallèle, il en soit arrivé aux conclusions qu’il dit détenir, il aurait dû, tout simplement les garder pour lui et éviter ses déclarations, aussi intempestives qu’inutiles : par décence, par discrétion et par respect pour la commission ad hoc qui s’échine à délier les contours d’une affaire qui, au final, peut se révéler plus complexe que ce que lui, Condé, veut croire.

Car enfin, on dispose désormais des conclusions d’une enquête, révélées par le chef de l’Etat, himself au moment même où l’investigation est en cours. Qu’en sera-t-il lorsque ladite structure aura achevé la mission à elle confiée ? Devra-t-elle dévoiler des résultats déjà connus par avance, révélés par Alpha Condé, ou sera-t-elle en mesure d’afficher en toute indépendance son option de divergence d’avec les propres convictions déjà connues du grand chef ?

Et alors, toutes les personnes citées par Alpha Condé dans son réquisitoire avant l’heure sont déjà coupables ; en temps opportun il ne s’agira alors que d’entériner, dans une décision de justice, la conviction anticipée d’un chef d’Etat qui a lui-même désigné des coupables que la justice guinéenne n’aura plus qu’à mettre aux arrêts. Procédure bien singulière s’il en est.

Mais il y a plus, puisque le chef de l’Etat implique dans le «coup» deux Etats voisins. La chose d’ailleurs n’est pas sans rappeler une certaine ère, celle de Sékou Touré, où tout et rien avaient une explication commune : le complot extérieur ; au risque de sombrer dans une énervante paranoïa. Pas besoin d’être devin pour présumer que ces accusations graves, faites par le chef de l’Etat guinéen, sont en passe d’envenimer les relations qu’entretient son pays avec ses deux voisins. Et pour sûr, aucun d’entre eux n’avait vraiment besoin de pareil hic diplomatique en ce moment.

Et alors, on attend toujours du président guinéen qu’il revête enfin les habits d’un chef d’Etat, véritablement ; pour l’instant, il laisse la désagréable impression que malgré son investiture à la magistrature suprême, par son ton cassant, ses airs condescendants ainsi que son allure de professeur en chaire qui sait tout, l’homme demeure ni plus ni moins qu’un chef de parti dans l’âme ; avec tous les travers que pareil statut confère et qui constituent autant d’entraves pour qui veut réellement se montrer le président de toute une nation. Pour le moment, c’est Condé, chef de parti, que l’on voit toujours à l’œuvre. On reste alors dans l’attente que le chef d’Etat, qui sommeille toujours en lui, se réveille un jour.



Jean Claude Kongo


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